
Déconstruire
Moi aussi, j’ai laissé faire la violence
J’écris ces mots le cœur meurtri. Pas par sens du spectacle, ni pour crier plus fort que les autres, mais parce que je ne veux plus me taire. Parce que le silence, celui qu’on nous a appris à garder, est devenu trop lourd à porter.
Moi aussi, j’ai laissé faire la violence sans porter plainte. Par peur. Par solitude. Par honte. Par résignation. Et surtout, parce que tout autour de moi j’ai déjà entendu dire que cela ne servirait à rien. Qu’il faut supporter, pardonner, oublier. Qu’il ne faut pas faire de vagues. Que les choses sont ainsi. Que “ce n’est pas si grave”. Que “ça arrive à tout le monde”.
Et j’ai vu, impuissante, tant de femmes subir le pire dans un silence absolu. Des femmes frappées, violées, humiliées, insultées, tuées, mutilées, maltraitées… sans aucune conséquence pour leurs bourreaux. Sous notre grand ciel du Niger, il semble qu’il n’y ait rien de plus négligeable qu’une femme souffrante. Rien de plus tolérable que sa douleur.
Combien de drames encore ?
Combien de vies de femmes faudra-t-il sacrifier sur l’autel de la cohésion sociale ? Combien de voix faudra-t-il réduire au silence pour préserver les « us et coutumes » ? Combien de femmes devront encore endurer l’indifférence, le mépris, l’abandon de la société, au nom de traditions qui ne protègent que ceux qui ont le pouvoir de faire du mal ?
Jusqu’à quand ?
Jusqu’à quand allons-nous laisser les familles étouffer les plaintes ?
Jusqu’à quand allons-nous laisser les chefs religieux et coutumiers s’interposer entre la justice et les femmes ?
Jusqu’à quand allons-nous tolérer que les institutions ferment les yeux, ou pire, participent à cette culture de l’impunité ?
Quand est-ce que la vie des femmes comptera vraiment ?
Quand est-ce que la vie d’une femme sera sacrée ?
Quand est-ce que son épanouissement sera une priorité ?
Quand est-ce que son bien-être sera vu comme une nécessité, et non comme un luxe ?
De ma modeste expérience de militante engagée, je n’ai encore jamais vu une seule affaire de violence contre une femme aller jusqu’au bout. Les plaintes disparaissent. Les dossiers s’évanouissent. Les coupables sont protégés, parfois même honorés. Et les victimes, elles, sont blâmées, parfois exilées, réduites au silence.
À quand la justice pour les femmes ordinaires ?
Je ne parle pas des femmes connues, médiatisées, influentes. Je parle des femmes ordinaires. Celles que personne ne voit. Celles qui n’ont ni pouvoir, ni réseau, ni protection. Celles qui vivent dans les campagnes, les quartiers populaires, les marges.
À quand la justice pour elles ?
À quand une vraie justice, pas une mascarade ?
À quand une loi appliquée avec rigueur, pas avec complaisance ?
À quand un État qui protège ses filles, ses sœurs, ses mères, au lieu de les trahir ?
Je n’oublierai pas. Nous n’oublierons pas.
Et un jour, je l’espère, nous n’aurons plus à écrire de textes en pleurant.

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