CHRONIQUES
Destinée: Partie 1
Niger, N’groum
Situé au sud-est, à plus de 50 kilomètres de la capitale du Niger, Niamey, N’groum est un petit hameau où la paix a toujours régné. Les peuls sont les principaux habitants et sont tous presque de la même famille. Ils vivent de l’élevage en troupeau, du commerce et de l’agriculture. Dans cette partie du monde, les études ne sont pas prioritaires malgré la sensibilisation faite toujours à l’égard des habitants.
– Envoyez vos enfants à l’école car l’enfant est l’avenir de tout un pays ! dixit le chef de la tribu malgré cela, les siens dérogent à la règle…
Rare sont les garçons même qui y sont inscrits et il n’y a qu’une seule fille qui a connu réellement ce qu’est l’école de toute cette populace, Fatima !
Fatima est une fille âgée de 19ans pleine d’ambition. Du haut de ses 1m72, elle a un teint clair et des cheveux longs, noirs et lisses dignes d’une femme Peulh.
Tous les garçons veulent d’une femme comme elle mais Fatima est promise à son jeune cousin qui se débrouille en ville avec des petits travaux. Elle n’a su qu’elle lui est promise que cette année et l’idée ne la dérange pas si celui-ci lui permettra de continuer ses études. Les filles la jalousent, elle le sait mais cette dernière ne répond à ce mépris que par son plus beau sourire plein de mystère. Son objectif premier est de pouvoir continuer ses études et servir son pays.
Les parents de la jeune Fatima ont d’ailleurs lutté au sein même de leur famille afin de maintenir normal le cursus de la demoiselle. Cependant, la lutte de son père ne donnera pas le fruit attendu ou du moins lui ne verra jamais ce fruit.
Comme à l’accoutumée, ce matin de début des vacances, presque toutes les filles et femmes étaient au bord du marigot pour la lessive, la vaisselle ou prendre de l’eau. C’est là le lieu pour se raconter les derniers potins du village. Même si les gens de cette contrée vivent des principales activités, la plupart des femmes partent en ville pour accompagner leurs hommes à la quête d’une vie meilleure. Elles profitent pour se trouver aussi des petits boulots le long de leur séjour à la capitale.
À la tombée de la première pluie, ils rentrent tous ensemble au village afin de se retrouver en famille et passer des merveilleux moments.
L’ambiance était chaleureuse devant le marigot quand le petit Dioula, cousin de Fatima vint en courant vers elles. Habillé d’un simple petit pantalon, d’une chemise et aux bras le fameux bâton, il se mit à crier à tue-tête !
– Fatima ? Fatima ? Hurla-t-il.
– Qu’est-ce qu’il y’a ? Pourquoi tu hèles mon nom ainsi ? Demanda-t-elle avec un air inquiet.
– Il faut que tu rentres vite à la maison c’est mon oncle. il vient de faire… il vient de…
– De faire quoi ? Qu’est-ce qui arrive à mon père ?
Toute l’attention était vers lui…
– Ton papa vient d’avoir une crise et son état de santé est très instable. Il demande aussi à ne pas être conduit à l’hôpital. Tu dois impérativement rentrer a dit ta mère.
Le médecin les a prévenu qu’une crise pourrait lui être fatale. Cela fait des mois que son père souffre de difficultés respiratoires. Fatima s’est mise à courir en laissant tomber son linge au bord du marigot craignant le pire avant son arrivée.
Quand elle quittait la maison ce matin, son Baba comme elle aime l’appeler, semblait aller mal, mais elle ne pensait pas que ça allait s’empirer de cette façon. Fatima ne veux pas et ne supporterai pas que son père meurt car elle a toujours été très proche de lui. Elle est arrivée toute essoufflée devant la case de sa mère. Ils étaient tous à l’intérieur sauf bien sûr sa marâtre. Depuis que Baba est tombé malade, il n’est pas retourné dans la case de celle-ci. Il ne retrouve le repos que chez la mère de Fatima. Leur cour est située juste à l’entrée du village et ils y habitent tranquillement jusqu’ici.
Fatima Modibo
J’ai des oncles qui ne sont pas très loin mais ces derniers ont arrêté de venir à cause du comportement malsain de ma belle-mère. Elle est la première femme de mon père et selon ce que j’aurai appris dans le village, Anty comme je l’appelle et sa famille ont rendu la vie impossible à mon père. C’est à cause d’eux même que Baba a vendu les nombreuses vaches qu’il a reçu comme héritage après le décès de grand-père. Cependant, ma mère ne me l’a jamais mentionné et ne montre pas de différence entre mon frère Hamani et moi contrairement à ma marâtre. Hamani et moi sommes les seuls enfants de Baba.
– Baba ? Baba ? Comment tu te sens ? lui demandais-je le cœur toujours battant et la voix vibrante de peur.
– Fatima ? Ma fille ? Viens par-là ! Je n’attendais que toi pour m’en aller.
Il n’avait plus assez de force, mon frère pleurait dans son coin, ma mère lui massait les tempes et moi je suis arrivée à côté de lui pour tenir sa main droite avec mes deux mains. Sa respiration était très lourde comme si on lui avait posé un poids sur la poitrine et de la sueur coulait de son front. Baba est un homme pieux et fais tout pour être juste avec nous. Il nous a éduqué avec l’amour du tout puissant, même malade il ne ratait jamais les prières.
– Baba ? Je suis ici !
– Fatima ? Peina-t-il à dire.
– Oui baba, tu as mal quelque part ?
– Je dois faire un très long voyage, je sais que maintenant tu es assez grande et que je peux te laisser te débrouiller. Tu es ma toute dernière et à toi je dirai que la vie est pleine d’embûches, tu auras du mal au tout début mais dis-toi que le meilleur reste à venir. Binta ?
– Oui ? Répondit ma mère avec beaucoup de peine aussi, Tu veux que je t’apporte de l’eau ? Tu as mal quelque part Modibo ?
– Je veux juste que tu arrêtes de pleurer, arrêtez de pleurer s’il vous plaît. Ça ne va rien empêcher à la volonté de Dieu. Je suis aujourd’hui l’homme le plus heureux. Mourir entouré de ceux que j’aime, c’est vraiment une chance. Après que j’eus rendu l’âme ne pleurez pas pour moi, tout ce que je veux que vous fassiez, serait des invocations afin que j’aie le repos éternel, je sais et je sens que mes enfants vont beaucoup souffrir mais je sais aussi que j’ai mis au monde des battants.
– Baba arrêtes toi aussi de parler ainsi, je refuse que tu…
Je n’ai pas pu finir ma phrase parce qu’elle était lourde dans ma bouche.
– Hamani ?
– Oui Baba ? Je suis ici !
– Tu es mon fils aîné et mon seul garçon, ne fais jamais quelque chose qui va déshonorer ta famille. Tu es désormais le père, tout ceci t’appartient maintenant. Toute les responsabilités t’incombent. Je sais comment c’est dur d’être juste, d’ailleurs seul Allah l’est ! Alors même si tu ne le peux pas, je veux que tu essaies quand même. Ne délaissez jamais la prière, elle nous est d’une grande utilité ici sur terre et dans l’autre monde.
– D’accord Baba tonna-t-il avec beaucoup de mal.
– Où est ta mère ?
– Dans sa case baba.
– Vas et dis-lui de venir, je veux lui demander pardon avant de m’en aller, tu iras aussi m’appeler tes oncles s’il te plaît.
Mon frère sortit en courant et revint quelques minutes après pour dire que sa mère dormait mais il l’a réveillée et elle venait. Dommage, il n’a pas pu s’entretenir avec Anty. Baba s’est mis à hoqueter subitement alors que Hamani allait pour l’appel des oncles et il continuait de refuser que nous l’amenions à l’hôpital. Il m’a serré la main si fort que je pensais même que mes os allaient se briser.
– Baba s’il te plaît, laisses nous t’amener à l’hôpital balbutiai-je.
– Je veux partir d’ici entouré de ceux que j’aime, je veux partir en étant dans la case de l’une de mes femmes. Il n’y a pas plus grand bonheur.
– Tu ne vas pas mourir, je ne veux pas que tu meurs. Si tu t’en vas qu’est-ce que je vais devenir ? Qui vais-je taquiner ? Tu m’as promis qu’on sera ensemble jusqu’à la fin de nos vies, tu n’as pas à partir me laisser Baba !
Pour simple réponse, il m’a juste fait un sourire avant de commencer à bouger dans tous les sens. J’étais inquiète et au bord de la panique totale. Mes sentiments devenaient très confus au point où je voulais mourir aussi avec lui. La douleur était insoutenable pour nous tous. Il rendit un grand souffle et c’était fini, Baba s’en est allé comme ça pour toujours.
– Modibo ? Modibo ? Cria ma mère.
– Baba ? Qu’est-ce qui se passe ? Baba ? Anna ? Qu’arrive-t-il à Baba ?
– Amènes de l’eau Fatima, ramènes-moi de l’eau vite.
Je suis sortie en essuyant mes larmes mais celles-ci coulaient de plus belle. Quand j’étais enfin de retour, j’ai trouvé ma mère qui massait délicatement les yeux de papa en disant ceci :
– Dieu est grand ! Dieu est amour ! Dieu ne nous soumet aucune épreuve que nous ne puissions surmonter. Je l’accepte, vas en paix Modibo, puisse ton âme reposer en paix…
J’étais totalement dans le déni. Je refusais d’accepter qu’il soit parti.
– Qu’est-ce que tu veux dire Anna ? Anna ? Qu’est-ce que tu veux dire ? Qu’est-ce qui est arrivé à Baba ?
Ma vue se brouillait, j’étais au bord des larmes encore mais je ne voulais pas. Parce que pleurer à ce moment précis voudrait dire que j’accepte que mon père m’ait laissé, que j’accepte qu’il ait fait ce voyage pour toujours, j’accepte que les paroles qu’il venait de prononcer étaient les dernières de sa vie. J’ai toujours été proche de lui et ne me suis jamais mise en tête qu’il allait partir de sitôt !
– Anna ? Qu’est-ce qui arrive à mon père ? Anna ? Rouspétai-je, Dis-moi que Baba n’est pas mort ? Dis-moi qu’il s’est juste endormi ?
…
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