
Intimité des femmes
Et si on parlait de règles sans oublier personne ?
Les règles, en soi, ne discriminent personne. Mais la manière dont nos sociétés et nos pays les traitent, oui. Et certaines personnes menstruées paient le prix fort : parce qu’elles sont pauvres, en situation de handicap, migrantes, ou simplement marginalisées. Parler de dignité menstruelle sans parler d’intersectionnalité, c’est fermer les yeux sur l’essentiel : l’inégalité des vécus, l’invisibilisation de certaines réalités.
Dignité menstruelle : de quoi parle-t-on, vraiment ?
La dignité menstruelle, ce n’est pas un luxe. Ce n’est pas une faveur. C’est le droit fondamental de vivre ses règles dans des conditions humaines, avec des protections accessibles, une information claire, des infrastructures sanitaires, et sans honte ni stigmatisation.
Mais dans les faits, une grande majorité des personnes menstruées dans nos pays n’ont accès à aucun de ces droits. Encore moins quand elles cumulent plusieurs formes d’oppression.
Invisibles, celles que personne ne regarde
Quand on parle menstruation sous nos cieux, le récit dominant est souvent le même : la “petite fille en milieu scolaire et pauvre”, qui n’a pas accès à des toilettes propres ou a des serviettes . Oui, c’est une réalité. Mais ce réductionnisme efface les autres.
Qu’en est-il :
- des femmes handicapées que les politiques publiques n’intègrent pas toujours ?
- des femmes en prison ou dans les camps de réfugié·es, qui n’ont même pas accès à du papier hygiénique ou des toilettes dignes ?
- les personnes victimes de discriminations de genre , qui vivent leurs règles dans la peur, la solitude ou la violence ?
- des femmes âgées, en ménopause douloureuse ?
- des femmes travailleuses précaires qui doivent composer entre douleur, fuite de sang et obligation de performance ?
Règles, pauvreté et violence structurelle
Avoir ses règles en contexte de pauvreté, c’est devoir choisir entre manger et acheter une protection hygiénique. C’est utiliser du chiffon, du sable, ou du papier journal.
Mais c’est aussi vivre dans une société qui vous méprise, vous juge et vous condamne à la honte. Une société où le prix d’un paquet de serviettes est fixé sans aucune considération pour les réalités locales. Une société où la douleur menstruelle n’est jamais prise au sérieux surtout si vous êtes pauvre, ou non éduquée.
Et pour les femmes vivant avec une pathologie comme l’endométriose ? C’est pire. Parce que même les médecins n’y croient pas toujours. Parce qu’il n’y a souvent pas de protocole clair dans les services sanitaires. Parce que le silence reste la norme.
L’intersectionnalité : un outil de survie
L’intersectionnalité, c’est une grille de lecture vitale pour comprendre pourquoi certaines vivent les règles comme un simple désagrément… et d’autres comme une oppression quotidienne.
C’est parce qu’une personne est à la fois pauvre, analphabète et menstruée que ses douleurs ne comptent pas. C’est parce qu’elle est réfugiée et menstruée que son besoin d’intimité est jugé secondaire.
Sans intersectionnalité, on parle de menstruations comme si tout le monde avait la même expérience. Ce qui est faux.
Pour une justice menstruelle radicalement inclusive
La justice menstruelle ne peut pas être une campagne de sensibilisation financée par une multinationale. Elle doit être une revendication politique claire, portée par les premières concernées.
Cela veut dire :
- Reconnaître la diversité des corps menstrués.
- Inclure les populations les plus marginalisées dans les programmes de santé et d’éducation.
- Subventionner les protections menstruelles, sans conditions.
- Briser les tabous culturels qui alimentent la honte et le silence.
- Former les professionnel·les de santé à entendre, croire et prendre en charge les douleurs menstruelles.
Les règles sont politiques
Tant que les règles resteront un impensé politique, elles continueront d’être une source d’exclusion pour des millions de personnes.
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