Déconstruire

Ne disons plus : “une femme a été violée”

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“Une femme a été violée.”
“Une petite fille a été donnée en mariage.”
“Une femme a été battue.”
“Elle est morte sous les coups.”

Ces phrases, nous les lisons tous les jours. Dans les médias, les discours militants, etc. y compris dans nos propres publications sur O’Fem Magazine. Nous aussi, nous avons souvent titré ainsi, pensant bien faire, sensibiliser. Mais à force d’utiliser ces formulations passives, nous avons participé, malgré nous, à un mécanisme d’effacement.

Changeons cela. Il s’agit d’un choix politique. À force de dire “les femmes sont victimes de violences conjugales”, sans jamais dire “des hommes battent leurs compagnes”, on finit par faire croire que la violence est une fatalité. Qu’elle tombe du ciel ou qu’elle n’a pas de visage, pas de genre.

Et pourtant,  chaque mot compte. Et chaque tournure passive participe à une culture du silence et de l’impunité. Car en effaçant les auteurs de violences, on protège le système qui les autorise.

Derrière chaque passif, il y a un actif. Et cet actif, dans l’écrasante majorité des cas, c’est un homme.

Changeons de narratif, remettons les bourreaux à leur place

Disons les choses telles qu’elles sont :

• Ce n’est pas “une femme a été violée”, c’est un homme a violé une femme.
• Ce n’est pas “une petite fille a été donnée en mariage”, ce sont des hommes qui épousent des enfants. • Ce n’est pas “elle est morte sous les coups”, c’est son conjoint qui l’a tuée.
• Ce n’est pas “les femmes sont victimes”, ce sont des hommes qui commettent ces violences.

Changer notre manière de dire, c’est commencer à changer notre manière de penser. C’est refuser l’euphémisme, mettre le bourreau sous les projecteurs, là où il devrait toujours être.

La vérité dérange ? Tant mieux.

Oui, c’est brutal, et, ça dérange. Mais ce sont les faits. Les statistiques et l’histoire sont là. Ce sont principalement des hommes qui violent, frappent, contrôlent, exploitent, tuent. Et ce, depuis la nuit des temps.

On ne peut pas espérer lutter contre un problème si on refuse de le nommer. Il ne s’agit pas de dire que tous les hommes sont violents. Il s’agit de dire que la violence a un genre, et que tant qu’on ne le reconnaît pas, on la laissera prospérer.

La violence a un genre

Il suffit de regarder les chiffres, les faits et les témoignages. Dans les foyers, les rues, les tribunaux, les commissariats, les prisons, ce sont majoritairement des hommes qui agressent, violent, frappent, humilient, harcèlent, mutilent et tuent. Au Niger comme ailleurs, les violences conjugales, les mariages forcés, les agressions sexuelles, les viols ou les féminicides ne tombent pas du ciel : ils sont commis par des hommes, souvent en toute impunité.

La violence des hommes ne s’arrête pas aux femmes. Elle touche aussi d’autres hommes : dans les gangs, dans les rues, dans les conflits armés, ce sont encore des hommes qui tuent d’autres hommes. Les guerres, les coups d’État, les rébellions, les trafics d’armes et d’humains, sont orchestrés, commandés et exécutés par des hommes. Ce sont eux qui fabriquent les armes et les détiennent, qui déclenchent les conflits. Ce sont eux qui construisent la logique guerrière, parfois dès l’enfance, en valorisant la domination, la brutalité, la virilité toxique comme modèle de puissance.

En d’autres termes : les hommes produisent l’écrasante majorité des violences, qu’elles soient domestiques, sexuelles, sociales etc. Et tant qu’on refuse de le dire, tant qu’on continue de diluer cette réalité dans des expressions neutres comme “violence conjugale” ou “violence dans les rues”, on laisse le système patriarcal se perpétuer, sans nommer ceux qui le nourrissent.

Alors, ce n’est pas une simple question de langage que de remettre les agresseurs à leur place, mais une question de justice, et d’honnêteté. Il est nécessaire de désigner les bourreaux, de nommer la violence, et de rendre visible ce que le langage a trop longtemps dissimulé.

On ne peut pas réellement libérer les femmes tant qu’on continue de taire les hommes violents.

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Journaliste et Communicante, fondatrice d’O’Fem Magazine, un média féministe engagé dédié à l’information et à la parole des femmes. Je dirige la publication d’O’Fem avec une conviction forte : l’information peut (et doit) être un outil de libération. Passionnée par le web, l’audiovisuel et les formats innovants, je m’intéresse particulièrement aux questions de jeunesse, d’entrepreneuriat féminin et d’égalité des genres. Féministe radicale, je déconstruis les normes patriarcales à travers mes écrits et mes prises de parole. Curieuse et sensible au monde, j’aime la musique, la lecture, la cuisine du monde et les voyages qui ouvrent l’esprit. Suivez-moi sur les réseaux sociaux pour découvrir mon univers, mes combats, et mes réflexions au fil des jours.

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