CHRONIQUES

ON NE TOUCHE PAS A MON HOMME: Partie 6

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Si j’étais loin des tropiques, je dirais qu’il n’a pas neigé chez moi à Noël et que même le père Noël m’a punie pendant ce Noël. En lieu et place de cadeaux, j’eus plutôt droit à un puissant ouragan qui emporta avec lui ma joie, mon euphorie d’un retour au bercail 

Cet ouragan a pour nom le sermon de ma mère. Ma mère a sévi quand elle apprit par des indiscrétions  de mes soeurs, ma « fameuse » conduite d’infeleleh. Dans les « grandes familles » les confidences du soir entre membres sont ébruitées avant l’aube. Une petite contrariété, et herbe vous est coupée sous les pieds. Les alliances sont un luxe pour nous.

Dans l’après midi du deuxième jour de mon retour , et après la visite de mes soeurs, à mon tour je rendis visite à ma mère, flanquée des deux paquets confiés à mes soins par  la Tamenokalt.. 

L’accueil fut des plus froid. Ma mère ne sait pas faire semblant. 

J’ai tenté de désamorcer la bombe en déballant le grand colis. Au fur et à mesure que je sortais les étoffes, je l’observais. Je voyais son visage se décomposer à la vue de ces fabuleux présents.

Elle ne me laissa pas arriver au deuxième, pour exploser.

D’un ton sec, elle ordonna l’arrêt du déballage 

_j’ai voulu que tu arrêtes, le temps que je sorte de mon cauchemar pour comprendre ce qui m’arrive. 

Tu as eu combien de logeurs en trois mois, et lequel d’entre eux à envoyé ces présents ? 

_la Tamenokalt, marmonnais-je. 

Ma mère se leva de sa chaise pour regagner son lit, elle vacilla. Je bondis vers elle pour lui éviter une éventuelle chute. Elle me repoussa avec le restant de ses forces avant de s’affaler sur le lit. 

J’eus la frayeur de ma vie. Ma mère n’allait pas quitter ce monde pour si peu. Sa colère passera et son malaise avec. 

Je m’approchai d’elle. Elle leva les yeux, nos regards se croiserent, là, je lis dans les yeux de ma mère une profonde déception. Ma mère a vieilli de dix ans à l’instant sous mes yeux. 

Par mon arrogance, ma bêtise, j’ai provoqué un tsunami dans le coeur de la dernière personne qu’il ne me fallait pas heurter. Non pas parce qu’elle est ma mère, mais disons que, c’est parce qu’on ne peut pas recoller les morceaux avec ma mère. Elle ne fait pas dans le rafistolage. 

Son intransigeance lui a valu de se mettre à dos presque tous mes parents paternels. 

Ses détracteurs la trouvaient désagréable comme adversaire et implacable comme ennemie. 

J’étais en plein cauchemar moi aussi, quand elle m’interpela. 

« vois tu Mariam, de part tes indélicatesses envers la Tamenokalt, tu as fouler à terre tes propres valeurs. Tu as vendu la descence à ces mêmes « crasseuses » que le destin a placées dans une certaine posture et qui plus est, ont eu le malheur de croiser ton chemin. J’ai honte d’avoir beaucoup misé sur toi, tu ne mérites pas ma confiance.

Le lion est le plus fort des fauves , mais il ne tue pas parce qu’il le peut. Il tue seulement quand il a faim. En snobant les gens, en les humiliant, qu’est-ce tu prouveras ? Tu n’as fait que preuve d’orgueil. Tu étais loin de l’humilité qui vêt le noble. 

Chaque individu que tu regardes de haut est ton propre miroir, tout ce que tu vois en lui se trouve en toi même. 

Les crasseuses ont appris la leçon mieux que toi. A toi de te racheter s’ il te reste le minimum de dignité. « 

Ma mère s’est tue. Ce n’est pas parce qu’elle a fini, elle écoutait plutôt le sermon d’outre-tombe de sa référence, son modèle d’homme, son gourou : mon père. Le sermon qui doit clore le chapitre d’aujourd’hui sera celui de mon défunt père. C’est ainsi qu’elle fonctionne. Mon père n’appartient pas au passé, il est là dans toutes actions présentes. 

« j’ai voulu en terminer lorsque je me suis rappelée les conseils de ton père chaque fois qu’un de ses enfants le quittait pour prendre son envol. « Ne marche pas dans la boue, elle laisse tes empruntes » disait-il au partant. 

Ma mère !!! Pour elle, les paroles de mon père sont comme cette eau de source, Claire et limpide, fraîche et désaltérante. Toute vérité qui ne sort pas de sa bouche est erreur ou mensonge. Les femmes d’hier !! Elles auraient dû voir aujourd’hui leurs petites filles dans leur gestion des hommes, apprendre que dire « non » à un homme n’empêchera pas le soleil de se lever. Mais elles sont parties, nos généreuses et naïves mères. 

Pendant que je recevais ma douche froide, ma rapporteuse de soeur se demandait elle aussi à quelle sauce j’allais la manger.

Je lui refusai cet honneur. Les trahisons je les fais payer d’une autre manière, pas en crachant mon venin. C’est la seule attitude, d’ailleurs que je tiens de ma mère. J’ai plus besoin de sécurité et de sérénité que de représailles. Je dois surtout fuir avant qu’un autre nuage ne vienne obscurcir l’horizon. 

Je rentre chez moi plus désorientée que le jour de mon arrivée à N’feleleh. Personne pour tenter une médiation auprès de ma mère. Mon frère est le fils de sa mère, il m’etranglerait si mon chemin croisait le sien. 

Je suis restée seule pour cuire mes oeufs, comme ils disent ailleurs. Mon projet d’une nouvelle affectation est tombée à l’eau. Je dois retourner à N’feleleh pour sauver les meubles comme l’a dicté la reine mère.

A SUIVRE…

Enseignante, auteure de livres de français et de guides pédagogique, correcteure d'écrits( roman, mémoire..) Début dans l'essai littérature. Passionnée par l’art culinaire.

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