Déconstruire
Sororité: chaque femme a besoin d’une « tribu »…mais laquelle ?
J’ai vu une vidéo d’une célébrité qui disait que chaque femme avait besoin d’une tribu de femmes autour d’elle. Des femmes pour l’épauler, la soutenir, l’accompagner dans les différents moments de la vie : les épreuves, la carrière, les enfants, la famille, l’amour. Une tribu comme des piliers. Et ça m’a marquée, parce que dans l’idéal, c’est vrai, on devrait pouvoir compter les unes sur les autres.
Mais en même temps, j’ai eu une autre pensée. Une pensée que je traîne depuis un moment, parce que je l’ai vécue, je la vois autour de moi, et je sens qu’on évite souvent d’en parler franchement, de peur de donner du grain à moudre au patriarcat.
En tant que féministes, on n’aime pas entendre que les femmes ne se soutiennent pas entre elles. On n’aime pas ces phrases toutes faites : « les femmes sont les ennemies des femmes», « elles se jalousent, elles se détestent ». On en parle comme d’une fatalité, comme d’un fait inné. Mais, ces discours, on sait très bien d’où ils viennent. Ce sont des récits nourris par le patriarcat, entretenus pour maintenir la division entre nous, pour nous empêcher de construire du lien, de créer de la puissance collective.
Et pourtant… je reste lucide.
Les femmes n’ont pas été socialisées pour la sororité
Dans une société patriarcale, les femmes n’apprennent pas la sororité. On les éduque à se comparer, à se juger, à se mettre en compétition, à chercher la validation des hommes. On leur apprend à se méfier les unes des autres, à performer, à cacher ce qu’elles vivent réellement.
Alors forcément, même quand on essaie de créer des liens entre femmes, il y a des blocages. Même quand on veut construire du soutien entre nous, ça reste souvent compliqué. Et je ne dis pas ça pour faire plaisir aux discours misogynes, bien au contraire. Je dis ça pour qu’on regarde en face la réalité. Parce que si on veut construire une vraie sororité, il faut partir de là.
Ce n’est pas qu’on ne veut pas, c’est qu’on ne sait pas toujours comment faire
Beaucoup de femmes n’ont pas déconstruit les schémas patriarcaux qu’elles ont intégrés. Elles ne voient pas le problème. Elles ne comprennent pas toujours les violences spécifiques qu’on peut vivre en tant que femme, ou alors elles les minimisent, les justifient, les jugent à travers les normes qu’on leur a inculquées. Et ça rend le lien fragile. Ça empêche l’écoute et l’accueil.
Parfois, les femmes elles-mêmes deviennent source de douleur, pas forcément par méchanceté, mais parce qu’elles reproduisent sans le savoir des logiques qui nous brisent.
J’en ai fait l’expérience. Quand je vis des situations difficiles, je sais très bien à qui je peux parler et à qui je ne peux pas. Dans ma propre famille, je n’ose pas toujours dire ce que je traverse, parce que je sais que je ne serai pas comprise. Je ne me sens pas en sécurité pour partager certaines choses, même avec des femmes. Parce que je l’ai déjà fait, et je n’ai pas souvent trouvé l’écoute que j’attendais. J’ai même parfois été jugée, j’ai été renvoyée à des normes patriarcales qui me déshumanisent en tant qu’être humain, en tant que femme.
La façade : la recherche de validation
Il y a aussi ça : ce besoin permanent, chez beaucoup de femmes, de renvoyer une image qui ne correspond pas à ce qu’elles vivent réellement ou qu’elles sont réellement. Parce qu’on leur a appris à faire semblant. À se montrer fortes, « respectables », parfaites, même quand ça saigne à l’intérieur. Et c’est tellement ancré que ça les empêche d’être vulnérables, sincères, d’entrer dans un vrai lien avec les autres femmes.
Et tout ça rend la sororité difficile.
Construire une sororité lucide, pas idéalisée
Alors, en tant que féministe, je continue de défendre la sororité. Mais pas une sororité de surface, obligatoire, ni naïve. Mais une sororité consciente, critique, exigeante.
Je refuse de dire que les femmes sont par nature ennemies les unes des autres. Mais je reste consciente qu’elles ont été socialisées pour ne pas être sorore. Je refuse de répéter les discours du patriarcat. Mais je refuse aussi de faire comme si tout allait bien entre femmes, simplement parce qu’on partage le même genre.
Parce que tant qu’on n’aura pas déconstruit les normes qui nous divisent, qu’on ne se sera pas rééduquées à écouter, à accueillir, à ne pas juger, la sororité restera un idéal, pas une réalité pour toutes.
Et je crois qu’on doit commencer par là : reconnaître que ce n’est pas toujours facile. Reconnaître qu’on a été abîmées par les mêmes structures qui nous oppressent. Et qu’il faudra du temps, de la patience, de l’humilité, et surtout beaucoup de travail collectif pour bâtir quelque chose de solide entre nous.
Aujourd’hui plus que jamais, j’y crois. Je crois en une sororité consciente, construite hors des normes patriarcales. Parce que malgré les déceptions, les silences, les blessures, j’ai aussi connu des femmes qui ont été là et qui le sont encore. Des sœurs présentes, lucides, aimantes, qui savent écouter sans jugement. Des femmes qui m’ont tendu la main, et avec qui j’ai pu enfin être moi-même. Le lien commun avec ces femmes, c’est qu’elles sont réellement déconstruites. Et c’est à partir de ces liens-là qu’on construit.
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Merci pour cet article tellement parlant.
Je suis féministe et je comprends profondément ton point. Il y’a souvent cette solitude que l’on sent par rapport à certaines amies quand on crie seule au fond du gouffre, cette compétition même silencieuse que l’on ressent et qui nous dit que nous sommes encore loin, que cette sorority au delà d’une ou deux personnes est limite une utopie.
Il faut qu’en tant que femmes, on apprenne à se tolérer, surtout au vue de nos niveaux de déconstruction qui ne sont pas les mêmes. Pas assez déconstruites est tout aussi choquant que trop déconstruite en fonction de qui est dans notre cercle et il peut s’élargir et nous éloigner malheureusement…
Le combat est loin d’être gagné mais je reste convaincue que notre profonde volonté à vouloir le meilleur pour nous et pour les autres femmes, remportera un jour ! ❤️❤️❤️
Merci pour ce commentaire Nana. Le chemin sera long certes , mais nous allons y arriver ensemble.