CHRONIQUES
ON NE TOUCHE PAS À MON HOMME: Partie 2
J’atterris directement dans une arrière cours avec des tentes dont le nombre n’a d’égal que ma déception .
Les bâtiments qui s’y trouvent donnent plutôt l’aspect de magasin que d’habitation. J’en ai vite aperçu six.
Six grandes bâtisses qui s’étirent sur un hectare environ. Le lieu est immense, pas moins de trois hectares qui abritent tentes, magasins, étables et même un garage.
Je ne vois toujours pas d’abris pour moi. Aurai-je droit à une tente comme tout le monde ici? Quelque soit ce qui me serait attribuée ,je ne suis pas à ma place.
Je me trouve dans le quartier des serfs et des servantes, je n’en suis pas une, même si je suis à des centaines de kilomètres de chez moi. « Un esclave » n’apparaît pas dans ma généalogie paternelle ou maternelle.
La réponse ne tarda pas à venir, un géant tenant un volumineux trousseau de clés ordonna dans leur langue aux porteuses d’avancer, je les suivis dans leur mouvement.
Nous arrivâmes devant une bâtisse ayant environ une demi douzaine de portes. Il en ouvrit une après plusieurs tentatives pour trouver la clef.
Les femmes déposèrent mes bagages et retournèrent sur leurs pas dans le même silence de mort.
« Tu ne seras pas sous la tente »,murmura une voix du fond de mon ventre.
Le mal est déjà fait. Je suis en terre étrangère. Les valeurs qui sont miennes et qui ont conduit mes pas vers ceux là que j’imaginais mes semblables, ont été foulées au sol, j’ai la peau noire, mon sort est scellé. La tamanokalt ne saurait reconnaître une noble en moi même venue de la ville et nantie de savoir.
En d’autres circonstances et sous d’autres cieux ,je ne lui tiendrai pas rigueur, mais aujourd’hui après 16heures de voiture dans des conditions jamais vécues, je suis en détresse. Je lui en voudrais pour le restant de mes jours… »
Quand vous avez une rage de dent, une nuit vaut trois », ai-je entendu dire. Dites moi combien elle compte quand vous avez la rage au cœur ?Je suis en détresse, mon jugement ne saurait être objectif, moi.
Ma première nuit à N’feleleh fut la première malheureuse nuit de ma vie.
En « brûlant » les autorités de mon administration, lesquelles m’attendaient avec tous les honneurs, je reçu de ce côté, la gifle que mérite mon geste.
Mes rêves de grandeur ont fondu ici, dans les sables chauds du désert.
Sacré désert! Tout se dégrade à ton approche..
A la place du son du tendeh, des youyous et de la symphonie que transportent les dunes de sable, j’eus droit aux blaterements des dromadaires, aux aboiements des chiens, aux plaintes qui fusent des tentes, aux ronflements des gaillards rentrés tard dans les dortoirs.
Mon peuple avait pourtant transité par ses terres lors de sa migration. Je ne suis pas si étrangère qu’on me l’a fait voir.
Le repas qu’on m’a présenté ne paraît pas mien, car il n’est pas semblable à celui de mes colocataires. Je le repoussa.Je ne suis pas une » crève la faim ».
Dans mon dépaysement, ce n’était pas de la bouffe que je cherchais, mais plutôt des personnes hospitalières, des visages souriants, un nid, une famille…
Je déteste ces mines d’enterrement, ces regards sans vie, des paroles sans douceur aucune…
J’avais pleuré, je ne dirai pas toutes les larmes de mon corps parce qu’il fallait les réserver pour les épreuves à venir. J’avais pleuré quand même.
Je maudis jusqu’au fonctionnaire qui m’a expédiée sur les traces de mes ancêtres, cette longue nuit là. Même si avec le recul, je le remerciais sans cesse.
Je n’avais pas dîné, j’ai boycotté les mets de ma logeuse. J’avais à manger pour un trimestre.
A suivre…
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