CHRONIQUES

ON NE TOUCHE PAS A MON HOMME: Partie 7

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Mon bus du retour n’a rien de commun avec celui de l’allée, ni en confort ni en santé, celui -ci semble sorti du garage après un long stationnement.

Pour boucler la première étape et trouver un garage , nous avons opéré un arrêt à tous les 50km.

Des férus de la vitesse aux indifférents, le déroulement du voyage a déçu tout un chacun. Ceux des voyageurs qui ont des correspondances à prendre à partir du chef lieu du département ou de N’feleleh, ont tous déchanté. Plus question de rejoindre son « poste » pour les fonctionnaires ou son village pour les autres voyageurs.

Le temps a cessé d’être une préoccupation à partir de la deuxième panne. Le souhait c’est seulement arriver à destination. Plus personne ne consulte sa montre. Dormir est devenu  l’exercice de la moitié des occupants du bus. Les quelques contestataires qui chahutaient le conducteur aux premières des difficultés du moteur ont fini par se résigner. Surtout que celui-ci trouvait qu’ils en faisaient trop. Ils en faisaient trop ! Voilà ce qu’il a trouvé à dire à des gens qui ont quitté leurs couchettes dans les coups de 4 heures du matin pour se retrouver à plus de cinquante une demi journée entière dans un bus qui pétarade à chaque montée et fume comme un vieux train de marchandises du début de l’industrialisation.

« L’homme noir ! Quand est ce que tu admettras que tu es un humain à part entière, et que ton frère aussi en est un ». Là c’est ma petite voix récalcitrante qui se le demande. Je n’ai pas la réponse. Car ce n’est pas la première fois que mon droit de consommateur a été violé. Aucun prestataire de service ne se fait de soucis pour le non respect du contrat qui le lie au consommateur. Même le boulanger ne trouve pas que vous vendre du pain rassis est une violation de vos droits

La seule chose que je sais, c’est le droit que nous avons de constituer un comité pour demander des comptes à la société de transport pour nous avoir fait monter dans un cercueil avec un conducteur indélicat. Chacun doit assumer son incompétence !!

Quatre heures de plus sur l’horaire normale pour arriver à destination.

Lorsque N’feleleh apparaît, le soleil est déjà rougeoyant, prêt à regagner son lit.

Hommes et bêtes rentraient au bercail. Le village récupérait tout ce qu’il avait vidé le matin.

Plus nous approchons plus je découvre que N’feleleh a changé. Les abords de la nationale propres et visibles. Les détritus qui montaient jusqu’au bitume ont disparus comme s’ils n’ont jamais existés. Les devantures des échoppes restaurées, d’autres sont totalement remises à neuf. La gare aussi a fait sa toilette. La bouse et la crotte et d’autres immondices ne se disputent plus l’entrée et les alentours. La population aussi semble doublée et les hommes et les femmes plus présentables. J’étais dans mes découvertes quand le bus heurta le portail de la gare et mit tout le monde en émoi. Il eut plus de peur que de mal. Le bus se vida à l’entrée même, plus besoin d’atteindre l’enceinte de la gare pour sortir du cercueil. Je suis peut-être la seule à ne pas me précipiter pour sortir. Le petit incident a réveillé mes démons. La solitude, l’inconfort, l’inadaptation etc. Tout les maux de mon séjour passé ressurgissent à la fin du voyage.

« Tu vas débarrasser le plancher »,me souffla  ma petite voix qui ne sait se taire.

Je pris mon sac à main, saisis mon fourre-tout du casier et sortis du bus. Je vais chercher ma valise avec les bagagistes quand j’entendis comme un murmure une voix dans mon dos, me souhaiter la bienvenue.

Je la reconnus, c’est la voix d’Adyl. Je ne suis pas surprise, j’en ai fini avec les surprises au pays des hommes bleus. Ils sont comme leur désert insaisissables et imprévisibles.

Que peut-il faire ici ? Il le dira lui même ! 

Il est tout content de me revoir, mon jeune allié; et j’en suis ravie parce sa joie n’est pas feinte. Il n’est pas mauvais pour feindre ou cacher les ressentis. Il n’a aucune haine au cœur, aucune rage au ventre. La prise de conscience qui rend les serfs amers et haineux ne s’est pas encore opérée chez lui.

Nous sortîmes de la gare, mes bagages sur sa tête sans un mot de plus. En lieu et place de mon chemin habituel, c’est vers une rutilante 4×4 patrol que mon ami m’amena.. Le conducteur attendait hors de la voiture. Il ouvrit le coffre et ordonna à Adyl d’y mettre les bagages.

Adyl comprit mon inquiétude et me rassura.

_Madame, la tamenokalt s’est dit que vous rentrerez aujourd’hui avec la rentrée des classes fixée demain. C’est pourquoi nous sommes là ».

« La tamenokalt ! Cette femme ! »Criai _je à mi- voix. J’eus envie de rebrousser chemin, retourner à la gare , prendre un billet retour, m’en aller loin de ces gens qui te montrent qu’ils sont en tout supérieur.

Je me suis vite ressaisie. Adyl et le conducteur de la patrol sont tous deux des domestiques; point besoin de se donner en spectacle. Lui le conducteur est même un étranger. La plaque minéralogique du véhicule est du Maghreb. Quel pays ? Je l’ignore, je sais pas lire l’arabe.!

A SUIVRE…

Enseignante, auteure de livres de français et de guides pédagogique, correcteure d'écrits( roman, mémoire..) Début dans l'essai littérature. Passionnée par l’art culinaire.

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