Leadership O'feminin

Interview avec la Magistrate Maimouna Gogé

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Maimouna Gazibo Gogé est à la tête de l’agence nationale de lutte contre la traite des personnes. Une agence qu’elle a fait connaitre grâce à son professionnalisme et son dynamisme. Epouse et mère, cette magistrate fait preuve d’un leadership exceptionnel et est une source d’inspiration pour beaucoup de jeunes femmes nigériennes qui la suivent de prêt sur facebook.

Présentez-vous à nos internautes ?

Maimouna: J’ai obtenu mon Diplôme de Maitrise, carrière judiciaire à la Faculté des Sciences Juridiques et Economiques du Mali. Je suis diplômée de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature du Niger. Je suis titulaire du diplôme Cycle International Court de l’ENA de Strasbourg (France). J’ai exercé les fonctions de Juge des Mineurs, puis Juge d’Instruction au Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, Chef de Division Administration Pénitentiaire, puis chef de Division Grâce au Ministère de la Justice. Présentement je suis la Directrice Générale de l’Agence Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes (ANLTP).

Quand vous avez pris l’Agence Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes elle n’existait que sur le papier, mais grâce à votre leadership elle a atteint des sommets aujourd’hui. Parlez-nous en ?

Maimouna: En 2009, j’ai connu un passage à vide dans ma carrière. A tort ou raison j’ai été démise de mes fonctions de Juge d’instruction et mise à la disposition du Ministère de la Justice comme complément d’effectif. J’étais jeune magistrat, et dans notre corps il faut un certain nombre d’années pour pouvoir être affecté à la chancellerie. Pour un jeune Magistrat, une affectation à la chancellerie était toujours une sanction disciplinaire informelle.  J’avais l’option entre rester poireauter au Ministère ou trouver une autre occupation. J’ai alors postulé à un concours pour l’ENA de France. Admise, je suis partie à Strasbourg pour faire des études supérieures qui ont été couronnées de succès.  A mon retour, en 2013 j’ai été nommée Directrice Générale de l’ANLTP.

A cette date, l’Agence n’existait que sur papier. Elle n’avait ni local ni personnel. J’ai retroussé mes manches et j’ai commencé à parcourir les maisons conventionnées de l’Etat qui étaient à l’abandon. J’ai fini par identifier un local dans un état pas très reluisant, si on peut parler ainsi. J’ai effectué les démarches administratives nécessaires et le bâtiment fut affecté à L’ANLTP. Pendant des mois j’ai cumulé les fonctions de : Planton, Secrétaire, Manœuvre et DG pour la même structure avant que ne soient mis à la disposition de l’ANLTP des contractuels appelés communément « des appelés du service civique National ». C’est de là qu’à commencer une formidable aventure.

Dans le contexte Africain et Nigérien en particulier, la traite des personnes c’est aussi et surtout la question de la place et du rôle de la femme dans la société. Des préjugés, aux violences physiques ou morales, aux mariages forcés pour ne citer que ceux la, la vie de beaucoup de femmes est simplement un enfer. Dites-nous comment la femme que vous êtes appréhendez certaines plaintes quand elles arrivent ?

Maimouna: Je n’ai jamais accepté d’être une victime. Au départ c’était très difficile parce que les acteurs avec qui il fallait travailler, c’étaient des marabouts et des chefs coutumiers et j’appréhendais beaucoup un faux pas qui aurait mis l’’ANLTP en difficulté.  Mais finalement il n’y a pas eu de heurt et du coup de plus en plus de victimes saisissent l’Agence pour des conseils, pour une plainte, un référencement ou une prise en charge.  Je n’ai jamais agi comme une femme magistrat ou une femme DG dans la gestion d’un dossier. Ce n’est pas la femme que la victime saisit mais un service public de l’Etat.  J’agis donc avec mon expertise et mon cerveau, et non mon cœur et ma féminité.

Vous avez récemment publié une photo de vous avec votre enfant dans les bras en pleine conférence internationale, quel message vouliez-vous passer?

Maimouna: Un jour j’étais avec un collègue à une conférence quand un partenaire femme de l’Agence (partenaire qui finance des activités) m’a aperçu. Elle m’a regardé avec insistance et a fini par se poser des questions. Elle m’a abordé en me demandant : n’est-ce pas Mme Gogé ? En fait j’étais enceinte de mon troisième fils et la grossesse m’avait beaucoup changé. Alors elle n’était plus sûre que c’était la Mme Gogé de l’Agence. Quand elle a su que c’était bien moi, elle a crié : vous êtes enceinte ? Vous n’avez pas honte à votre Age ? Qui va s’occuper de l’Agence puisque vous n’avez même pas suffisamment de personnel. Je lui ai rétorqué vous connaissez mon âge Mme ? Elle m’a rétorqué non pas vraiment mais en tant que partenaire technique de l’Agence je trouve hasardeux de programmer avec vous des choses que vous ne pourrez pas mettre en œuvre. Son réflexe m’avait choquée parce que c’était presque de l’intimidation. Alors j’ai décidé que non seulement j’allais profiter pleinement de mon enfant mais que je renoncerai a beaucoup de droits pour relever les défis ultérieurs qui n’allaient pas manquer de se poser. Aussi, deux semaines après la naissance de mon fils j’ai repris le boulot en demandant à la Secrétaire Générale du Ministère de la Justice ; Mme Maiga Labo ; qui m’avait instruite de reprendre le travail parce que l’Agence était dans une période très sollicitée : de m’autoriser à être avec mon fils tant que c’était possible. C’est comme ça que je me suis retrouvée dans les conférences internationales avec « JAD » [ndt : prénom de son fils].   Je publie mes photos avec lui pour encourager toutes les femmes qui hésitent à faire des enfants pour ne pas perdre un poste, qu’avec de la détermination, elles peuvent travailler, s’occuper de leur famille et de leurs enfants sans rien sacrifier. Et aux femmes ambitieuses, faites vos Bébés si vous le souhaitez. Un bébé n’entrave en rien une carrière si vous êtes déterminées.

Quelle image défendez-vous lors de vos voyages en dehors du Niger? 

Maimouna:  Africaine. J’aime beaucoup ma culture. Alors quand je suis hors du Niger j’aime être tout simplement Mme Gogé la Nigérienne. Et j’agis de sorte que l’assistance ne regrette pas d’avoir invité le Niger.

Quel est selon vous le secret atteindre un équilibre entre vie professionnelle et familiale?

Maimouna: Mon secret c’est de vouloir réussir ma vie professionnelle sans sacrifier ma vie d’épouse, de mère et de fille. J’adore la famille et tout ce qui va. Je n’envisage pas une réussite au détriment de mon mariage et de mes enfants.

Je voudrais aussi rajouter qu’il est important que nos maris soient à nos côtés pour garantir notre équilibre.Je suis arrivée à l’ENA de Strasbourg/France, Femme Nigérienne laissant derrière elle un mari et deux enfants en bas âges. Cela aurait pu impacter sur mon moral, mon ménage et mes résultats.Je suis sortie majeure de promotion sur 24 nationalités de 5 continents avec 17, 98 de moyenne et mon mari a effectué le déplacement sur Strasbourg pour me regarder recevoir mon diplôme. Je suis rentrée avec lui. Ma satisfaction est que malgré mon absence, mes enfants sont restés avec lui à la maison et chacun était premier de sa classe.Il a joué les rôles de père et mère et peu de femmes ont cette chance.

Que vous inspire la jeune génération de femmes Nigériennes que vous côtoyez au quotidien ?

Maimouna: Il y’a des femmes battantes qui font plaisir et honneur au pays. Elles sont à encourager et à féliciter.  Mais les défis sont immenses et on a besoin encore de beaucoup plus des femmes déterminées et expertes dans tous les domaines.

Quel message avez-vous pour les jeunes femmes ?

Méritez votre poste grâce à votre expertise. De plus en plus les jeunes pensent qu’il vaut   mieux opter pour le raccourci que de se battre. Personnellement Cela me gêne quand globalement le CV d’une jeune fille se limite au nombre de personnalités et de célébrité qu’elle connait.  Il est important de réaliser ses rêves par son talent plutôt que par son carnet d’adresse.

Archives Irdidjo Magazine 2016

Journaliste et Spécialiste en Communication, Digitale Entrepreneure. Fondatrice d’ Ir Didjo & d’O’Fem Magazine et Directrice de publication. Passionnée par le web et l’audiovisuel. S’intéresse aux questions de jeunesse et d’entrepreneuriat. Féministe Radicale. Aime la musique, la lecture, la cuisine et les voyages. Suivez-moi sur mes réseaux pour en savoir davantage sur moi.

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