Leadership O'feminin
Kadiatou Idani, profil d’une féministe engagée sur les DSSR
Activiste, Féministe Radicale dont elle se revendique fermement, Kadiatou Abdoulaye Idani est une jeune femme nigérienne qui milite sur les questions liées aux Droits à la Santé Sexuelle et Reproductive (DSSR) des femmes et des filles au Niger. Dans un pays où le patriarcat reste ancré et où les droits des femmes sont souvent bafoués, Kadiatou accomplit un travail titanesque à travers son association pour s’assurer que les DSSR soient garantis à toutes les femmes et les filles du Niger. Ce travail, elle le fait, non sans difficultés, mais avec un engagement constant.
Présentez-vous aux internautes.
Je suis Abdoulaye Idani Kadiatou, Féministe Radicale, Présidente de l’Association des Jeunes Filles pour la Santé de la Reproduction (AJFSR) et Vice-Présidente de la Ligue Nigérienne des Droits des Femmes. Je suis également la Point Focal FP2030 et du Partenariat de Ouagadougou.
Qu’est-ce que l’AJFSR ?
L’Association des Jeunes Filles pour la Santé de la Reproduction (AJFSR) Niger, autorisée d’exercer par l’arrêté N°001161/MI/D/DGAPJ/DLP du 29 NOV 2021 est une initiative, la première du genre, de jeunes filles nigériennes engagées pour promouvoir les Droits en Santé Sexuelle et Reproductive des Adolescents et des jeunes filles ; lutter contre les violences basées sur le genre, promouvoir le leadership féminin et les droits des femmes/filles au Niger.
Comment votre organisation travaille-elle en faveur des Droits des femmes et des filles ?
La défense des droits des femmes et des filles est l’essence même de notre création. Toutes nos actions, que ce soit de plaidoyer, de sensibilisation, de mobilisation, de communication, et à tous les niveaux, concourent à créer un environnement où les femmes et les filles connaissent leurs droits et en jouissent pleinement. Cela implique également un combat acharné pour l’harmonisation des textes et politiques nationaux aux conventions internationales ratifiées, mais également pour l’élaboration de nouveaux textes juridiques et stratégies qui promeuvent et consacrent davantage de droits aux femmes et aux filles.
Qu’est-ce que les DSSR ?
Les droits en santé sexuelle et reproductive constituent un ensemble de droits fondamentaux liés à la santé sexuelle et reproductive des individus. Ces droits reconnaissent le droit des individus à prendre des décisions informées et autonomes concernant leur vie sexuelle et reproductive, sans discrimination ni coercition. Ils englobent un large éventail de questions liées à la sexualité, à la reproduction, à la planification familiale, à la santé maternelle, à la prévention et au traitement des infections sexuellement transmissibles, ainsi qu’à d’autres aspects de la santé sexuelle et reproductive.
Ces droits reposent sur les principes des droits de l’homme, tels que définis dans divers instruments internationaux, dont la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Plus spécifiquement, ces droits sont également abordés dans des documents tels que la Déclaration du Caire sur la population et le développement, la Plateforme d’action de Beijing, et d’autres accords internationaux.
Parmi les éléments clés des droits en santé sexuelle et reproductive, on peut citer le droit à l’information et à l’éducation sexuelle, le droit à la confidentialité des informations liées à la santé sexuelle et reproductive, le droit à l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale, la contraception, et les soins de santé maternelle, ainsi que le droit à l’égalité des genres dans ces domaines.
Il est important de souligner que la reconnaissance et la protection des droits en santé sexuelle et reproductive sont cruciales pour promouvoir la santé et le bien-être des individus.
Quel est l’importance des DSSR dans la lutte en faveur de l’égalité.
Les droits en matière de santé sexuelle et reproductive jouent un rôle crucial dans la promotion de l’égalité entre les sexes. Je dirais même que c’est la pièce maîtresse, et ce, pour plusieurs raisons :
- Autonomie des femmes : Les DSSR permettent aux femmes de prendre des décisions autonomes concernant leur corps, leur santé et leur vie reproductive.
- Accès à l’information et à l’éducation : Les DSSR impliquent l’accès à une information complète et à une éducation sexuelle. Cela est essentiel pour émanciper les femmes et les filles en les informant sur leur propre corps, les relations et la reproduction, contribuant ainsi à l’égalité en matière de connaissances.
- Égalité dans la planification familiale : En garantissant l’accès à des services de planification familiale, les DSSR favorisent l’égalité entre les partenaires en permettant à chacun de participer de manière égale à la prise de décision concernant la taille de la famille et le timing des naissances.
- Prévention des violences basées sur le genre : Les DSSR contribuent à la prévention des violences basées sur le genre en reconnaissant le droit à l’intégrité physique et à la sécurité des individus dans le contexte de leurs relations sexuelles et reproductives.
- Accès équitable aux soins de santé : Les DSSR impliquent un accès équitable aux soins de santé liés à la reproduction, ce qui est essentiel pour réduire les disparités en matière de santé entre les sexes.
- Égalité sur le lieu de travail : En permettant aux femmes de faire des choix éclairés sur leur santé reproductive, les DSSR peuvent contribuer à réduire les discriminations liées à la maternité sur le lieu de travail, favorisant ainsi l’égalité professionnelle.
En résumé, les DSSR sont intrinsèquement liés à l’autonomie et à l’égalité.
Vous êtes militante féministe, quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans ce combat pour l’égalité ?
En tant que militante féministe engagée dans le combat pour l’égalité homme-femme au Niger, je remets en question le statu quo, les normes sociales et culturelles, ainsi que les politiques et stratégies publiques favorisant les inégalités envers les femmes et les filles. Ces questionnements ne sont pas sans conséquences, car le patriarcat n’est pas prêt à perdre ses privilèges, consacrés au détriment du bonheur, de l’épanouissement et du bien-être des femmes et des filles. Je fais face au quotidien à des attaques personnelles plutôt qu’à des débats d’idées, à des menaces et à des harcèlements de toutes sortes.
L’un des défis majeurs consiste à briser les barrières et les mythes entourant la question de l’égalité, afin que celle-ci ne soit pas réduite à une compréhension liée au sexe, mais plutôt traitée avec une approche basée sur les droits humains. Le bien-être et la protection des acteurs engagés en faveur de l’égalité, notamment des militantes féministes, restent également des défis majeurs.
Session de formation sur les VBG aux organisations membres de la COFEF, Maradi Nov 2023
Quelle est selon vous la situation des droits des femmes et des filles au Niger ?
Ces dernières années, la situation des droits des femmes a évolué malgré les nombreux défis qui restent à relever. Nous avons, par exemple, la loi sur la Santé de la Reproduction et son décret d’application, le Plan Annuel National Budgétisé (PANB) ; ces textes et documents stratégiques de base promeuvent les DSSR et servent de fondement pour un plaidoyer fort au niveau national et international. Il existe également plusieurs autres textes et politiques nationaux de lutte contre les violences basées sur le genre à l’égard des femmes et des filles, pour mettre fin aux mariages d’enfants. Même si ce n’est pas l’idéal, nous avons aussi la loi sur le quota, qui contribue à améliorer la participation politique des femmes, ainsi que d’autres initiatives salutaires.
Cependant, comme je l’ai souligné au début, de nombreux défis restent à relever, notamment avec la montée en puissance des mouvements anti-droits. Ces mouvements, présents à tous les niveaux, mettent tout en œuvre pour réduire les femmes et les filles au silence et à la servitude.
Nous sommes actuellement à un stade où le sort réservé aux droits des femmes et des filles au Niger reste inquiétant. La perte des acquis est d’actualité. Les droits des femmes et des filles ne semblent pas être une priorité, ce qui serait très dommage et regrettable après tous les efforts et le travail de plaidoyer de ces dernières années.
Comment améliorer la situation des droits des femmes au Niger ?
L’amélioration de la situation des droits des femmes au Niger nécessite une approche intégrée et coordonnée qui aborde les aspects sociaux, économiques et culturels. Elle demande une volonté politique claire et assumée, se traduisant par des actions concrètes plutôt que des promesses seulement. Pour améliorer la situation des droits des femmes et des filles au Niger, il est nécessaire d’avoir un engagement sincère axé sur des résultats et la responsabilité de l’ensemble des acteurs concernés à tous les niveaux et en tout temps.
Il est essentiel de promouvoir l’éducation des filles et des femmes, en mettant l’accent sur l’élimination des barrières culturelles et économiques qui limitent leur accès à l’éducation. Cela est nécessaire pour leur épanouissement et leur bien-être. Il faut prévenir et lutter contre le mariage des enfants et toutes les formes de violence à l’égard des filles et des femmes, notamment les violences sexuelles, en renforçant les lois contre les violences et en garantissant leur application. Mettre en place des services de soutien aux survivantes, y compris des services de santé mentale, et sensibiliser sur les droits des femmes et des filles en matière de protection contre la violence.
Au-delà de tout cela, il est également nécessaire de travailler sur la participation politique des femmes, leur accès à la terre ainsi qu’aux ressources. Notre place est sur la table et autour de la table de prise de décision à tous les niveaux et peu importe le contexte. Enfin, la promotion et l’accès de toutes les femmes et filles à leurs droits en santé sexuelle et reproductive contribueront à améliorer fortement leur situation.
Ces actions combinées peuvent contribuer à créer un environnement où les droits des femmes au Niger sont respectés, protégés.
Quelles sont les formes de violence dont les femmes et les jeunes filles sont victimes en rapport avec la santé sexuelle et reproductive au Niger ?
Au Niger, les femmes et les jeunes filles peuvent être victimes de diverses formes de violence liées à la santé sexuelle et reproductive, notamment le mariage d’enfants, les mutilations génitales féminines, les agressions sexuelles, le viol, la pression sociale et familiale, le mauvais accueil dans les centres de santé, les violences gynéco-obstétricales, les préjugés et la stigmatisation pour l’accès aux services, ainsi que l’accès limité aux soins de santé sexuelle.
Ces formes de violence peuvent avoir des conséquences graves sur la santé physique, mentale et émotionnelle des femmes.
Avez-vous un message à l’occasion des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes ?
Mon message s’adresse d’abord aux autorités. La première violence consiste à revenir sur les acquis obtenus de haute lutte. Il est important de ne pas invisibiliser les filles et les femmes, peu importe la situation et le contexte. J’ose espérer ne pas avoir besoin d’ajouter que cela serait une violence basée sur le genre à l’égard des Nigériennes que l’histoire retiendra.
À tous les acteurs engagés dans la lutte contre les violences basées sur le genre à l’égard des filles et des femmes, tâchons d’incarner les valeurs que nous défendons, renforçons nos capacités de manière continue. Mettons les survivantes au centre de toutes nos actions et surtout, appliquons la politique de la tolérance zéro pour les VBG à l’égard des femmes et des filles.
À toutes les survivantes, sachez que vous n’êtes pas seules et vous ne le serez plus jamais. Nous vous croyons et serons toujours là pour vous.
0 comments