Une jeune fille a témoigné avoir été agressée sexuellement par un étudiant dans un bus de l‘Université Abdou Moumouni de Niamey. L’homme s’est frotté à elle jusqu’à éjaculer. Et pourtant, ce n’est pas l’agresseur qui est au centre des débats : ce sont ses réactions à elle.
Pourquoi n’a-t-elle pas crié ? Pourquoi n’a-t-elle pas fait de scandale ? Pourquoi était-elle habillée ainsi ? etc. Et la pire de toutes : “Elle a aimé, sinon elle aurait réagi.”
Je connais ce scénario. Pas uniquement parce que je suis féministe. Mais parce que moi aussi, j’ai été cette fille-là.
Capture d’écran partagée sur Facebook par une proche de la victime
La peur, la honte, la sidération
C’était il y a plus de dix ans. J’étais aussi étudiante à l’université de Niamey. Pendant une soirée culturelle, au milieu de la foule, un homme a commencé à se coller à moi, à se frotter à moi avec insistance. Je changeais de place. Il suivait. Encore et encore. Je me souviens de l’angoisse qui montait, de mon corps qui se tendait et tremblait, du sentiment d’irréalité. On ne pense pas toute suite à crier, il y’a le choc, la peur, la honte… bref un mélange d’émotions. Le corps ne répond pas, il se fige. Le cerveau s’embrouille. Le coeur qui accélère. Une panique sombre, lourde, totale. J’étais pendant quelques minutes en état de sidération. Une réaction neurologique bien documentée, mais encore trop peu comprise dans les cas de violences sexuelles.
Puis après quelques temps j’ai eu la présence d’esprit d’appeler un ami membre du syndicat étudiant. (ce qui n’est pas le cas de toutes les victimes malheureusement, certaines restent en état de sidération tout le long de l’agression). Je lui ai montré mon bourreau en lui disant qu’il se frottait à moi. Cet ami était un membre de la CASO ( Commission des Affaires Sociales et de l’Ordre), il était venu avec quelques camarades. Il m’a raconté qu’il l’ont pris de côté et l’on questionné. Et sans surprise : l’agresseur a nié.
Non seulement il m’avait agressée, mais en plus, il a eu le culot de prétendre que j’inventais tout. Voilà le lot des victimes de violences sexuelles : être touchées, salies, niées et ensuite, accusées de mentir.
Heureusement que j’avais appelé cet ami. Ils l’ont bien cuisiné, il a fini par avouer et ça a fait toute la différence. Mais combien d’autres filles n’ont ni témoin, ni soutien, ni personne pour faire entendre leur parole ?
La société préfère les victimes parfaites
Ce que cette jeune femme vit aujourd’hui c’est exactement ce que vivent tant de victimes. Quand une femme parle, on scrute sa tenue, son comportement, sa réaction, comme si l’agression dépendait d’elle. Comme si, pour être crue, elle devait avoir crié, pleuré, frappé, résisté. Sinon, elle devient complice, menteuse, manipulatrice.
Mais les violences sexuelles ne se passent pas toujours comme dans les fictions à la télé. Elles surgissent dans la vraie vie, là où on a peur, honte, où on doute de nous-mêmes, où on ne veut pas déranger, où on veut juste que ça s’arrête sans faire d’histoire.
Le vrai scandale, c’est l’impunité
L’agresseur, lui, est libre. Peut-être même félicité en secret par ses pairs. C’est ça, le vrai scandale. Ce n’est pas que des femmes n’aient pas crié. C’est qu’un homme se soit permis d’imposer son sexe à une femme dans un bus universitaire, en pleine circulation, entouré par ses camarades, en pensant qu’il ne risquait rien et il avait raison.
Et pourquoi aurait-il eu peur ? Qui croit les femmes dans ces situations-là ? Qui les soutient ? Qui leur dit que leur parole suffit ?
Les victimes ont besoin de reconnaissance
Je n’écris pas ces lignes pour rouvrir de vieilles blessures. Je les écris pour refuser qu’on continue à humilier les victimes. Pour dire à cette jeune femme : je te crois. Pour dire à d’autres : vous n’êtes pas seules. Et pour dire aux agresseurs : on vous voit, et c’est vous les seuls responsables.
J’écris aussi pour sensibiliser les gens sur le fait que le silence d’une femme agressée n’est pas un consentement. C’est une réaction humaine à une situation inhumaine.
Il est temps que la honte change de camp. Il est temps que nos universités, nos bus, nos rues cessent d’être des zones d’impunité pour les agresseurs. Il est temps que notre société cesse de demander aux femmes de prouver qu’elles ont souffert, pour mériter d’être écoutées.
Demandez des comptes aux bourreaux, ne leur trouvez aucune excuse, sans cela les violences sexuelles et sexistes vont continuer impunément.
Journaliste et Communicante, fondatrice d’O’Fem Magazine, un média féministe engagé dédié à l’information et à la parole des femmes.
Je dirige la publication d’O’Fem avec une conviction forte : l’information peut (et doit) être un outil de libération. Passionnée par le web, l’audiovisuel et les formats innovants, je m’intéresse particulièrement aux questions de jeunesse, d’entrepreneuriat féminin et d’égalité des genres.
Féministe radicale, je déconstruis les normes patriarcales à travers mes écrits et mes prises de parole. Curieuse et sensible au monde, j’aime la musique, la lecture, la cuisine du monde et les voyages qui ouvrent l’esprit.
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