CHRONIQUES

ON NE TOUCHE PAS A MON HOMME: Partie 3

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Une nuit, une autre, une semaine, un mois, deux mois, je boycottais la nourriture de ma logeuse. Le savait-elle ? Même si elle m’a en tout cas laissée dans mon dédain et ma révolte.
Le troisième mois débutait, lorsqu’elle fit son apparition, une nuit dans mon dortoir. Pour une surprise c’en était une ! Elle m’a effrayée parce que l’heure n’était appropriée pour elle de s’aventurer sur cette partie de son domaine. Mais elle a des certitudes que j’ignore. 
Elle est accompagnée d’une servante lourdement chargée. 
« Aujourd’hui ma petite rebelle, c’est la patronne qui apporte ton dîner, à moins que ce ne soit un rêve « . Dis-je sans ironie, aucune. 

Elle s’approcha de mon lit; le seul mobilier que comptait mon » antre » à mon arrivée ; elle m’apeura davantage. La peur au ventre je pris appui sur mon coude afin de bien l’observer et connaître ses intentions. Je ne pus lire malheureusement dans ce visage de veuve éplorée et encore moins comprendre ce que disent ces yeux de cobra royal. J’attends seulement de voir venir. 
D’un signe de la main, je lui fis signe de prendre place. Elle déclina automatiquement mon offre.
Que des questions horribles qui vont et viennent dans ma tête, et que je me garde repenser même avec le recul. 
Finalement, rien d’extraordinaire dans la visite de ce soir de la Tamenokalt. 
Elle ne me fit même pas l’honneur d’occuper le coin du lit que je lui indiquai. 
J’ai compris que c’est trop demander à l’aînée du grand Intahout, seigneur de ce coin du monde. La noblesse lui colle à la peau. 
Prendre place à mes côtés, est comme un reniement, une déchéance. J’aimerais bien me tromper quant à mon jugement, mais les faits sont là, ne m’en voulez-vous pas d’être dure à ce point.
Elle donna seulement à la servante l’ordre de se décharger, puis de se retirer pour attendre. 

Je n’eus pas droit à un mot pour l’instant. Ses yeux de serpent dardaient tour à tour chaque coin du local à la recherche de je ne sais quel genre de  rongeur. 
J’attendais impassible prête à la suivre partout où elle voudra dans l’insolence et la discourtoisie. Nous sortons du même moule, même si les terreaux diffèrent. Cela est compris depuis que j’ai entrepris de boycotter son couscous à moitié cuit et la sauce sentant le bouc, sa bouillie de mil au lait de chamelle, que les crasseuses préparent sans aucune hygiène. 

Lasse et courroucée d’observer cette lionne en cage. Je voulus l’interpeller quand elle baissa tout d’un coup la tête, et comme dans un grognement, j’entendis:

_je me nomme Koul. 

_enchantée ! je suis Mariam. 

Elle rappela par un raclement de gorge, la servante en lui demandant de me servir à manger. 

Je contredis l’ordre. 

« il est tard pour dîner, le dîner, c’est à 20h, Madame « , dis je à l’intention de mon illustre visiteuse. 

Comme un félin, elle sortit comme elle est venue pour se fondre dans la nuit noire.
Ma guéguerre d’avec ma logeuse a duré tout le premier trimestre de l’année scolaire. Pour couronner le tout, je projetais de partir incognito. Sans même faire mes adieux à mes deux amis : Fadimata, mon téléphone sans fil et Adyl, mon ange gardien. Ces deux personnages sont mes deux « parents » de N’feleleh. 
C’était mal connaître Koul. Pas du tout le genre à prendre au dépourvu .
Elle était déjà au courant de mon départ. Le « bled » appartient à son père, Maître après Dieu dans cette cité. 

Dans ce cas ci, elle ne vint pas à moi, elle me convoqua. Une fois de plus je voulus jouer à l’insolente, mais une voix moins belliqueuse me rappela à l’ordre. Il y eut plus qu’un rappel, ce fut un sermon. 
Elle a raison, en toute chose le respect des limites s’imposent à nous tous. Eh bien, j’ai assimilé la leçon ! Mes motifs sont-ils suffisants pour continuer à agresser une bonne femme qui a ouvert sa maison à une parfaite inconnue? 
C’est décidé, ce soir j’irai répondre à la convocation de la Tamenokalt. Je vais me faire une beauté d’abord, parce que moi aussi j’ai commencé à développer la peur de l’eau, à l’instar des habitants du désert. 
Plus le soir approche, plus je sens naître en moi une sorte d’angoisse, de manque d’assurance, des sentiments que j’ai renvoyé au rébus depuis l’adolescence. 
En plus de me faire belle, j’ai aussi pensé au respect des traditions, on ne rencontre une autorité sans « présent ».

Mon paquet sous le bras, j’attendais dans le vestibule, quand la dame de compagnie me fis signe de rentrer.
Je me déchaussai et pris place sur le »tara »qu’elle m’indiqua et lui remis le paquet.
L’attente ne fut pas longue, mon hôte m’attendais.
Nous nous saluâmes, puis intervint cet entretien que nous eûmes après trois mois d’une chaotique cohabitation.

-fithinat, ainsi tu allais partir sans même  nous dire au-revoir.

Tu es surprise que je t’ai pas appelée par ton nom, je suis désolée, la plus vieille des servantes t’a donné ce nom. Je crois aussi qu’il te va bien.
Je suis tombée plus bas que terre. Ces pauvres bougres à mon insu avaient ficelé mon dossier. Qu’est ce qu’il ya a dire. Tout le monde m’observait et m’a laissée faire. Quelle dinde, j’ai été !!

-Je  suis désolée KOUL, c’est tout ce qui sortit de ma bouche.

– Je t’ai fait appeler pour te commissionner auprès de tes parents, qui j’espère sont vivants.

-Mon père, non, mais ma mère oui.

-Toi, nous craignons de te faire un présent de peur que tu le rendes.

Pour tes parents ,je me suis autorisée.

Elle fit signe à un homme qui lui apporta une grande malle, elle lui ordonna de l’ouvrir; le trésor qui sortit est digne d’une caverne d’Ali baba en miniature.

Enseignante, auteure de livres de français et de guides pédagogique, correcteure d'écrits( roman, mémoire..) Début dans l'essai littérature. Passionnée par l’art culinaire.

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