CHRONIQUES

ON NE TOUCHE PAS A MON HOMME: Partie 4

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Je suis en train d’assister à une exposition. Je regardai sans laisser paraître la moindre impression à cause de ma position vis à vis de mon hôte. Je suis en terrain ennemi, le moindre faux pas causerait ma perte.
D’ailleurs, je n’étais pas surprise de découvrir que ma logeuse pourrait disposer d’un tel trésor. Elle en a les moyens. Ce qu’on m’expose ne sont que des broutilles au regard de leur fortune colossale..

Pour ce qui est de la fortune, c’est un secret de polichinelle dans la région.
Le nom du patriarche est associé à de gros intérêts : il est riche de son bétail; riche de ses maisons qu’on y trouve jusque dans la capitale; riche de son commerce entre avec la Libye, l’Algérie, le Nigeria voisin; il est riche de… sauf de descendant mâle. Et voilà! Toute œuvre humaine en elle même une faiblesse, la faille qui empêchera l’édifice de tenir trop longtemps.
Mahmoud Intahout n’a pas de descendant mâle. Trois filles seulement portent cet illustre patronyme :KOUL,Hinda et Awoul.

Apparemment cette malle aussi n’est pas la bonne.Koul fouilla, refouilla avec les mêmes gestes et la même malice.
Je trônai moi aussi comme une reine Songhai, impassable devant cet étalage de chiffons, de bijoux locaux et d’orient, de quincaillerie, de parfum dont les maisons de fabrication pour certaines marques, ont même fermé depuis les indépendances.
Ce que ma tamenokalt ignore peut être, ce que je suis déjà à leur école. J’ai vite compris le manège, elle est en train de me jauger. Elle veut savoir si elle ne s’est pas trompée .
Si elle savait, elle hésiterait à tenter quelqu’un chez qui aussi, on a de cesse rappeler que la retenue est le premier verrou de la dignité.
Je n’ai pas eu de geste déplacé, mais très très courroucée par une telle absence de tact. Je l’ai battue à son propre jeu, pour cette fois ci, en tout cas.
Elle comprit très vite et fit donc venir la bonne malle. Dès qu’elle l’ouvrit je fus confortée dans mes certitudes, parce que la malle contient uniquement des paquets emballés.
Comme une magicienne, elle prit deux paquets qu’elle tendit à la servante de service en lui ordonnant de les porter dans ma chambre.

Je suis soulagée ! Je suis libérée ! Enfin ! Dis-je. Je peux enfin partir de ce goulag pour retrouver l’ouvrage que j’ai laissé en suspend, car mon voyage est pour le lendemain.
La coquine a vite lu dans mes pensées. Elle racla vite la gorge. L’effet fut instantané. Une demi douzaine de servantes firent irruption dans la salle portant des plateaux de mets.
A la vue de ses crasseuses et leurs charges, j’ai pleuré sans laisser paraître mes larmes. Je me suis sentie comme une petite fille sans défense. J’ai attendu que ma petite voix vole à ma rescousse pour me guider. Elle n’intervint pas.
Aujourd’hui Fithnat, tu es prise. Point de subterfuge, point d’échappatoire. » Fais face à ton destin ». Je me suis entendue dire.
A malin ,malin et demi. Ici également , j’ai tout compris. Elle ne va pas m’offrir cette joie de clamer haut et fort que j’ai passé trois mois chez Intahout sans manger de sa nourriture. Et Dieu seul sait c’était mon intention.
A mauvaise fortune ,j’ai décidé de faire bon cœur.Humilier son semblable , c’est s’humilier sois même.

J’ai partagé le dîner de la tribut, hommes et femmes présents sur le domaine.
Je leur fus présentée à l’occasion. certains disent m’avoir croisée, question de se faire bonne conscience. Pour la majorité je demeure une parfaite inconnue. Surtout que mon métier chez eux à très peu de valeur. Il ne rapporte pas de pièces sonnantes et trébuchantes. Même mes malheureux courtisans m’ont totalement ignorée. Lâches et veules, ces « sens la pisse de chameau ».
Combien m’ont tenu des propos déplacés, combien ont dépêché des servantes avec des cadeaux chez moi.

Le festin a duré toute la soirée. Moi j’ai dépassé mes limites. La nourriture a commencé à m’indisposer. J’ai donc obtenu l’autorisation de me retirer et échapper du coup à la partie de thé. Je ne supporte pas la théine.
KOUL me fait accompagner par deux jeunes servantes que je n’ai jamais vues auparavant sur le domaine.
« Elles feront ce que tu leur ordonnera », me  murmura t’elle à l’oreille.
« Les deux paquets sont un présent de la part de l’amenokal, pour tes parents.
Pour ton défunt père, un des tes frères le portera. A l’heure de partir ne me dérange pas. Fais bon voyage ! »Ainsi soit t’il !!!!!!

A SUIVRE…

Enseignante, auteure de livres de français et de guides pédagogique, correcteure d'écrits( roman, mémoire..) Début dans l'essai littérature. Passionnée par l’art culinaire.

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