CHRONIQUES

Destinée: Partie 4

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De leur côté, la période de deuil continuait à N’groum.
La famille de Fatima faisait tant bien que mal face à la disparition de Modibo, le chef de famille.
Trois jours aujourd’hui que les gens défilent et arrivent des villages environnants pour présenter leur condoléances.
Le monsieur était aimé de tous et n’avait pas d’ennemis. Il avait un caractère exemplaire.
Fatima est l’incarnation même de son père de par le comportement mais aussi du physique.

Les frères du défunt ont réuni les deux femmes ainsi que les deux enfants dans la cour pour leur faire part de leur décision. Ils étaient au nombre de trois, Abdoulaye l’aîné, Moussa le père de Issaka et Aliou le plus jeune.

– Vous savez qu’en ce moment, la vente des bétails prend tout notre temps et rester ici ne va pas changer les choses. Je pense que l’idéal serait que chacun vaque à ses occupations et que la vie reprenne son cours normal dit Abdoulaye.

– Exactement, nous n’allons pas ressusciter Modibo, alors autant le laisser partir en paix renchérit Moussa.

– Je propose que Hamani vienne avec nous afin que nous l’initions dans la gestion et la vente et toi Fatima avec les autres nous avons décidé que tu restes pour aider ta mère, aller en ville pour étudier ne te servira à rien car de toute les façons, ta place est dans un foyer avec un mari. Aucun homme n’accepterait que sa femme vagabonde de ville en ville.

Fatima allait dire quelque chose pour répondre à Abdoulaye mais sa mère lui pinça la cuisse gauche. Elle a de sitôt compris le message.

– Moi, j’ai une chose à dire ! Dit la marâtre.

– Oui nous t’écoutons femme.

– Modibo est mort et ne nous a rien laissé alors je ne vois pas mon intérêt à rester encore dans ce village, je veux rejoindre ma famille.

– Ta famille ? Mais tu as quelle autre famille à part ton fils ? Tu devrais rester ici et aider…

– Non non ! Je ne vais même pas te laisser finir Aliou. Je ne veux pas de votre hospitalité, je ne veux pas de proposition absurde.

– Hey femme ! respectes nous, nous sommes les frères de ton défunt époux !

– Ah Dieu merci, vous avez employé le mot défunt. Cela veut dire que rien ne me lie à vous, je vais partir avec mon fils. Ce n’était pas une demande mais une information.

– Ton fils a plus d’une vingtaine d’année, donc il sait ce qu’il veut !

– Quand il sera plus grand et voudra revenir, je ne vais pas lui empêcher cela mais pour l’instant je décide pour nous deux.

– C’est un grand garçon et même maintenant, je pense qu’il peut décider de lui-même.

– Je ne laisserai pas mon fils entre vos mains pour qu’il souffre davantage. J’ai refusé de donner naissance à d’autres enfants depuis que j’ai compris que vivre ici n’allait que me créer des problèmes. Hamani est la seule chose qui me reste au monde, j’ai donc pris ma décision.

– Hamani qu’est-ce que tu décides ?

Il a hésité quelques minutes et pris la parole d’une manière très brève.

– Je vais suivre ma mère.

– C’est vraiment ce que tu veux ?

– Oui oui !

– D’accord qu’il en soit ainsi alors.

La mère de Fatima était assise et n’a pas dit un seul mot durant toute la réunion.

– Anna Fatima ? Tu ne vas rien dire toi ? Tu vas accepter d’être esclave encore longtemps ?

– Elle n’est juste pas comme toi !

– C’est connu de tous, tout le village sait à quel point tu es une mauvaise femme. On en parle partout.

– Cela est votre problème, j’ai dit ce que j’ai à dire et vous informe par la même occasion que dès demain, je partirai avec mon fils.

Elle s’est levée et s’en est allée dans sa case sûrement pour finir de faire ses affaires.

– Excusez-moi, ce n’est pas que je conteste votre décision balbutia Anna, mais je veux que ma fille aille en ville pour étudier.

– En ville ? Et chez qui ?

– Il y’a ma cousine que vous connaissez d’ailleurs tous !

– J’espère que tu ne parles pas de Kadidiatou ?

– Si ! Je parle d’elle tonna la mère de Fatima tout doucement.

– C’est une blague ? Cette fille qui depuis son jeune âge s’est mise à se prostituer en ville ?

– Aujourd’hui elle a délaissée tout cela, Kadiadiatou est mariée.

– Non ! Mariée ou pas, Fatima ne va pas faire la même chose que cette Kadidiatou. D’ailleurs comment sais-tu qu’elle est mariée ?

– C’est ma cousine après tout ! J’ai de ses nouvelles.

– Et moi, c’est de ma nièce Fatima dont on parle. Son père et moi l’avons déjà donner en mariage au fils de notre frère Moussa.

– Mais chers oncles ? Mon père a aussi décidé que je vais étudier parce que c’est mon rêve ! Je ne dis pas que je ne veux pas d’Issaka mais qu’il me laisse juste étudier même étant chez lui.

– Fatima ? Tais-toi maintenant !

– Me taire ?

– Oui ! Je te demande de te taire, nous parlons entre adulte et tu n’as pas ton mot à dire pour l’instant.

– Tu veux être aussi insolente que ton frère et sa mère ?

– Il faut lui pardonner ce n’est qu’une gamine encore.

– D’accord, je disais tantôt que nous t’avons donné en mariage à Issaka le fils de ton oncle ici présent. Il est aussi en ville mais rentrera très bientôt.

Fatima n’a rien dit de peur de la colère de Anna. Elle s’est levée et a rejoint la case de sa mère à contre cœur. Tout ce qui lui restait maintenant, c’était d’implorer pour que son cousin accepte sa seule et unique condition : continuer ses études après son mariage.

Les oncles ont discuté encore un peu avec Anna et ont fini par demander la route…

Éclipse d’un mois

Fatima et sa mère étaient assise sous la tente à causer. Anna défaisait les tresses de sa fille quand cette dernière engagea une discussion.

– Anna ?

– Oui Fatima ?

– C’est bientôt la rentrée et vous ne m’avez toujours rien dit !

– Par rapport à quoi ?

– Vous ne m’avez pas dit si mon inscription est faite en ville ou pas.

– Pourquoi tu penses que je t’ai demandé de défaire tes cheveux ?

Elle s’est retournée pour regarder sa mère en face sans trop comprendre.

– Tes oncles m’ont annoncé que ton fiancé sera là, s’il vient et que le mariage est célébré, tu iras en ville avec lui donc tu pourras étudier la bas !

– Anna ? Toi tu es d’accord avec ce mariage ? Je ne le connais même pas très bien.

– Je ne connaissais pas ton père non plus quand on s’est marié.

– Et puis tu penses qu’il va accepter que je continue mes études ?

– Arrêtes de trop poser de questions. Quand Issaka sera là essaie de parler avec lui, je te dis que la communication donne naissance à la compréhension tu vas voir !

– Le temps est révolu mère, ce n’est pas les mêmes situations.

– Écoutes moi ma fille, le temps est révolu comme tu l’as dit. Tu as même eu la chance d’aller à l’école mais ne pense pas que nos coutumes et traditions vont changer.

– Mais ?

– Pas de mais, tu n’as jamais contesté une seule de mes décisions moins celle de tes oncles. Je veux que tu comprennes une chose, tes oncles sont la seule famille qui nous reste. Tu veux désobéir et être comme ta marâtre ?

– Bien sûr que non !

– Bien ! Alors je veux que tu fasses ce qu’ils te disent.

Fatima était triste et pensait même qu’ils avaient oublié l’histoire de ce mariage mais apparemment c’est chez elle que ça n’est plus d’actualité.

Au même moment en ville, chez Karim Omar Fall, le frère de Cheikh.

Samira venait d’arriver et s’était installée dans le salon avec Maria, la première épouse de son beau-frère.

– Comment tu vas ?

– Je vais bien, j’étais dans les parages et j’ai décidé de venir vous rendre visite.

– Oh ! ça fait plaisir, je te sers à boire ?

– Oui s’il te plaît !

Elle s’est levé et est revenue avec un plateau avec du jus et de l’eau pour son hôte. Les enfants de la maison jouaient tous ensemble et Samira qui n’en a pas l’habitude les trouvait sauvages. Elle a froissé la mine quand ils sont venus la saluer. C’est la voix de leur mère qui l’a sortie de sa mesquinerie.

– Et Raoul ?

– Il va bien, je vais passer le prendre chez ma mère en partant d’ici !

– Il est parti lui rendre visite ?

– Oui cela fait 5 jours maintenant et je commence à vraiment sentir son manque dans la maison.

– Tu t’es reposée dis-donc ! Ou tu nous caches une bonne nouvelle ?

– Ho ! Tu sais, chez moi ce n’est pas comme la garderie qu’est votre maison hein, je ne cache rien si tu parles de grossesse. Je ne suis pas encore prête même avec un, comment je m’en sors a plus forte raison un autre.

– Hum ! Tu recommences n’est-ce pas ?

– Non mais Maria ? Dis-moi ? Comment tu fais pour partager ton mari avec une autre femme ? Moi la simple idée de penser que dans l’équipe de Cheikh il y’a des femmes m’irrite à un point où je ne peux t’expliquer.
Le jour où Cheikh va songer à prendre une deuxième femme je vais le castrer et tuer cette femme.

– Tu sais tout est une question de choix et d’acception. Je ne trouve aucun mal à cela du moment où il est bien avec nous toutes. Il fait de son mieux pour que nous soyons toutes à l’aise et je te promets que Sarah est une fille géniale, je n’ai jamais eu de problème avec elle.

– Tu m’étonnes vraiment à faire l’éloge de ta coépouse. Si j’étais à ta place, il y’a longtemps que cette fille aurait quitté cette maison. Je ne peux pas supporter.

– On voit bien que tu es décidée.

– Très décidée même, si un jour Cheikh songe même à me tromper de la façon dont je vais…

– Tu vas faire quoi ? Donc c’est pour cela que tu es ici ? Tu es venue pour disloquer la quiétude de ma famille ? Je ne te le permet pas tu m’entends ?

PDV de Karim

Nous étions arrivés avec Sarah et heureusement qu’elle était encore derrière à descendre les courses et n’a pas entendu ce que l’autre disait d’elle. Nous sommes partis voir sa mère qui est souffrante puis nous avons profité pour faire quelques courses de la maison. J’ai trouvé la causerie ou dirai-je les mauvais conseils que prodiguent la femme de mon frère à ma première épouse. Je n’ai jamais apprécié cette Samira mais je l’ai toujours donné le respect qu’elle mérite en tant qu’épouse de mon frère mais elle semble ne pas le comprendre. Je tolère le fait qu’elle soit impolie avec son mari et le mène du bout du nez comme elle veut mais je ne vais pas la laisser installer la haine et la discorde dans ma maison. C’est à cause de ce genre de commérages que nous limitons les visites avec mes femmes chez nous.

– Réponds-moi ! C’est donc pour ça que tu es ici ?

– Je vais t’expliquer Karim, j’étais juste de passage et j’ai décidé de venir voir tes femmes. Il est où le problème ?

– Le problème est que tu n’es pas là juste pour les voir mais mettre des idées sordides dans leurs têtes. Tu sais quoi Samira ? Je vais te demander de partir d’ici ! Dis-je sèchement.

A Suivre…

Écrivain/nouvelliste/chroniqueur, Koko sobriquet d’écrivain et signature de la KokoStory. Je suis touche à tout, volontaire, défenseur de droit de l’Homme. Voyage, cuisine, lecture, écriture, la danse, font parti de mon quotidien, en général, la vie me passionne quoi !

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