Société
Reportage: la vie des groupements féminins à Niamey
“Gomni”, “Naney”…, ce sont là des noms de groupements de femmes très connus à Niamey la capitale du Niger. Des groupements qui occupent une place de choix dans les émissions sur les ondes des radios. Qui sont ces groupements, comment sont ils organisés? quelle est leur utilité ? Incursion dans le monde des groupements féminins. Un monde où solidarité et intimité se côtoient.
Quartier Boukoki, situé dans le 2ème arrondissement de Niamey, c’est ici que nous avons rendez vous avec Aichatou Issa dite Mehaou. Femme célibataire d’une quarantaine d’année, grande de taille et de teint noir. Mehaou est la présidente du groupement “Gomni” (nom en langue Zarma) qui veut dire bienfaisance qu’elle a créé il y a Sept (7) ans.
Il s’agit en fait d’une organisation de femmes structurée en sous groupes. Le groupement Gomni dispose de dix neuf (19) sous groupes. Et chaque sous-groupe peut avoir jusqu’à dix (10) membres. Autant dire que Mehaou dirige environ cent quatre-vingts (180) jeunes filles et femmes.
» Notre groupement réuni des femmes qui ont décidé de se mettre ensemble. Il y’a des jeunes filles, des célibataires, des mariées divorcées et des mariées » explique Mehaou.
Les groupements sont mus par un esprit de solidarité
Le principe fondamental des groupements est: la solidarité et l’entr’aide surtout en cas de cérémonie de mariage, de baptême ou d’anniversaire d’une des membres. »Si une de nos membres se marie, chaque membre apporte sa contribution, ce qui nous donne un total de six cent milles FCFA. Cet argent va servir pour l’organisation du mariage. Ensuite, chaque sous groupe à une cotisation ( dix mille 10.000 f chacune soit 190.000f) qui va être utilisée pour acheter des vivres que la jeune mariée va amener chez elle. » nous raconte Mahaou la présidente du groupement Gomni.
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Lien étroit entre les groupements et les groupes d’orchestres
Les groupements comme Gomni, il en existe une dizaine dans la ville de Niamey.
C’est donc des milliers de femmes qui sont concernées par le phénomène des groupements débuté dans la capitale dans les années 2000.
Leurs points communs, c’est la collaboration avec les groupes musicaux. Chaque groupement est intimement lié à un groupe musical qui assure l’animation en cas de cérémonie.
L’organisation Gomni de Mehaou est associée à Tal National, l’un des orchestres les plus célèbres du pays. « Si Tal National participe à nos cérémonie, c’est un important cadeau qu’il offre à celle qui organise. Tout dernièrement lors du mariage d’une des notre, Tal lui a donné 550.000f. Il y’a plus d’un an maintenant toute celle qui organise son anniversaire à la cité Tafadek ( le Quartier général de Tal National), Almeida le patron de l’orchestre lui offre un véhicule comme cadeau d’anniversaire » martèle avec fierté Mahaou.
Pour connaître les motivations de Tal National derrière tous ces cadeaux, nous avons interrogé TCHOMBE l’un des chanteurs du groupe. Voici ce qu’il nous répond: « ce n’est pas pour rien que nous sommes ensemble, on se rend service mutuellement. Elles participent à nos concerts, elles mettent de l’ambiance et nous en tant que musiciens cela nous encourage et nous galvanise. » C’est donc une collaboration gagnant gagnant pour les deux.
L’adhésion aux groupements implique aussi des dépenses folles lors des cérémonies
Le cercle des groupements feminins n’est pas fermé, il est ouvert à toute nouvelle adhésion pourvu que la recrue accepte les conditions ou préalable édictées par la présidente. En effet, le fonctionnement des groupements feminins repose avant tout sur la capacité de ses membres à mobiliser beaucoup de moyens financiers.
De l’argent pour « la sape » (bien s’habiller) généralement des tissus en Bazin qui coûtent au moins 50.000fcfa, ensemble pagne qui coûte en moyenne 10.000fcfa, de l’argent pour la cotisation qui s’élève à plus de 15.000fcfa sans compter le sac et chaussures assortis. Soit en moyenne 85.000 FCFA à dépenser par cérémonie et il peut y avoir jusqu’à trois (3) cérémonies par mois.
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Appartenance trop contraignante?
Mais comment ces femmes font-elles pour faire face à toutes ces dépenses ? Celles que nous avions approché ont refusé de répondre à la question.
Nos recherches nous ont conduit vers Natou une habitante du quartier yantala de Niamey. Elle est ancienne membre de groupements. Elle a pu difficilement s’en sortir parce que sa maman n’appréciait pas.
» J’ai passé 3 ans dans les groupements alors que j’étais à l’école. On nous oblige à fréquenter les bars et nous sommes obligées de faire toutes les uniformes. Obligées aussi de sortir avec plusieurs hommes à la fois pour réunir l’argent et vous savez très bien que les hommes ne nous donnent pas l’argent comme ça. Nous devons répondre à leurs préalables » nous explique t’elle assise à côté de sa maman.
Une mère qui a tant souffert des critiques de la société lorsque sa fille fréquentait les groupements: « avant j’avais même du mal à sortir parce que ma fille Natou était considérée comme une mauvaise fille. J’étais la risée de toute la famille. Mais maintenant Dieu merci je suis fière d’elle » raconte la maman de Natou.
Après plusieurs années d’appartenance à un groupement féminin, beaucoup de ces femmes après le mariage ont du mal à demeurer dans leurs foyers, puisqu’habituées à une vie faite de shows, de sape et d’argent qui coule à flot.
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