
Déconstruire
Comprendre le double discours des victimes de violences conjugales
Le silence des victimes n’est pas une contradiction, c’est souvent une stratégie de survie. Entre culpabilité, peur et confusion, leur parole vacille. Et pourtant, elle est légitime. Décryptage d’un engrenage insidieux qui piège et détruit.
Un cycle de violence maquillé par l’illusion de l’amour
Lorsqu’une femme est sous emprise, elle ne perçoit pas toujours la gravité de la situation. Il ne s’agit pas d’aveuglement, mais d’un mécanisme de défense, d’une adaptation psychologique à un climat de violence cyclique. Elle trouve des excuses à son bourreau : il était stressé, elle l’a énervé, il ne voulait pas, c’est plus fort que lui…
Car l’agresseur ne frappe pas en continu. Il alterne entre crises et repentir, entre brutalité et tendresse. Après chaque explosion, il revient les bras chargés de promesses, d’excuses, de gestes d’affection. Ce faux apaisement replonge la victime dans l’espoir : l’amour n’est-il pas encore là, quelque part ? Ne vaut-il pas la peine d’y croire encore un peu ?
Mais ce cycle : violence, excuses, espoir, épuise. Il ne laisse aucun répit pour réfléchir. La norme se déforme, la violence devient routine. Et le doute s’installe : peut-être que c’est de ma faute ?
Culpabilité et isolement, des armes puissantes
L’un des rouages les plus destructeurs de ce piège est l’inversion des responsabilités. L’agresseur retourne la culpabilité contre sa victime : “Tu me pousses à bout”, “Tu es trop difficile”, “Tu ne comprends rien.” Ces accusations, répétées jour après jour, sapent l’estime de soi. La victime finit par douter de son propre jugement, se condamnant au silence.
Et l’isolement s’installe. Petit à petit, il coupe ses ponts avec l’extérieur : famille, amis, collègues. Il les critique, les diabolise, les éloigne. Parfois par la peur, parfois par le chantage ou la manipulation émotionnelle. Dans ce huis clos, la victime devient totalement dépendante de son bourreau.
Une parole niée, un combat invisible
Alors oui, il arrive qu’elle mente. Qu’elle minimise. Qu’elle dise que tout va bien. Ce n’est pas de l’incohérence, c’est une stratégie de survie. Elle veut éviter le pire, protéger ses enfants, retarder une nouvelle crise. Pendant ce temps, l’agresseur soigne son image sociale : charmeur, poli, irréprochable. Alors quand la victime parle enfin, certains s’étonnent : “Mais il est tellement gentil !”, “Tu dois exagérer…”
C’est ainsi que s’achève le piège : l’agresseur se pose en victime, et la vraie victime devient suspecte. Discréditée, isolée, brisée.
Briser l’emprise est difficile, mais c’est possible. Cela peut prendre du temps. Cela peut faire peur. Mais c’est la seule voie vers la liberté. Et si partir tout de suite est impossible, il existe des stratégies pour survivre, pour se protéger, pour préparer la fuite. Parler, même discrètement. Rétablir la vérité intérieure. Chercher du soutien. Chaque geste compte.
Vous n’êtes pas seule. Et vous méritez mieux que la peur.

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