Déconstruire
Sororité : les femmes ont des raisons de ne pas se faire confiance
Demander de la sororité à des femmes qui ont été socialisées à être en compétition pour l’amour et la reconnaissance des hommes est une violence. Car pour espérer une véritable sororité, il faut d’abord que les femmes soient éveillées, conscientes, déconstruites.
Et ne nous leurrons pas : dans le patriarcat, les femmes traînent des traumatismes profonds, personnels comme transgénérationnels. Nous portons nos propres blessures, peurs et insécurités, mais aussi celles de nos mères, de nos sœurs, et de toutes les femmes de notre lignée, proches ou lointaines.
Parce que le patriarcat ne nous a jamais donné de répit. Il a fait des femmes les pires prédatrices les unes pour les autres, non pas par méchanceté, mais souvent par nécessité de survie.
Trahies… mais toujours seules à être jugées
Combien de femmes ont été trahies par des hommes, avec d’autres femmes ? Par des femmes proches, parfois même très proches ? Combien ont été rendues folles d’insécurité, non pas par les autres femmes, mais par les hommes eux-mêmes, qui entretiennent des zones floues, jouent avec les limites, attisent les comparaisons, et nourrissent la jalousie et les rivalités silencieuses ?
Les histoires de trahison ne sont pas nouvelles. Mais dans un monde patriarcal, les mêmes faits ne sont jamais jugés de la même façon.
Ce système apprend aux femmes à se méfier, se surveiller, s’auto-contrôler. Il les socialise à se trahir sans état d’âme, parce qu’il les conditionne à voir les autres femmes comme des menaces naturelles. Et surtout, il absout les hommes et fait porter toute la faute aux femmes : à la complice, à la rivale, à la trompée. La femme est responsable de tout : de ne pas avoir vu venir, de ne pas avoir su retenir, et de ne pas avoir été assez… l’homme ? Lui passe toujours à travers.
La méfiance, un frein structurel à la sororité
Ne nous mentons pas. Le patriarcat a créé en nous des insécurités, des peurs et des traumatismes que nous ne pouvons affronter qu’une fois que nous en devenons conscientes.
Tant que nous vivons dans une société où une femme ne peut même pas se fier aux femmes de son environnement immédiat : amies, sœurs, cousines, ces insécurités sont légitimes. Il est trop facile d’accuser les femmes d’être “les mauvaises de l’histoire”, sans jamais interroger la violence du formatage qu’elles ont subi.
Dès l’enfance, elles ont appris à se comparer, à se méfier, à redouter les autres femmes, tout en étant tenues pour responsables des comportements masculins. On attend d’elles de la sororité… tout en les plaçant en compétition permanente.
Une trahison n’est jamais jugée pareil..sororité?
Dans un contexte de polygamie exclusivement masculine, d’infidélité normalisée et d’impunité affective masculine, il est presque “logique” que les femmes soient sur leurs gardes. Il est souvent inévitable qu’elles aient appris à craindre les autres femmes avant même d’interroger les intentions de l’homme en face.
Pourtant, quand c’est une femme qui trompe ou qu’on soupçonne de le faire, la sanction tombe immédiatement. Si la trahison implique un proche du mari, un de ses amis, un membre de sa famille, elle porte seule le poids de l’opprobre.
Et dans l’histoire inversée, quand un homme joue à brouiller les frontières affectives avec les amies de sa compagne, c’est elle qui est soupçonnée d’être jalouse, parano, excessive. Toujours elle.
On ne peut pas exiger la sororité aux femmes
Dans un monde qui ne garantit aucune sécurité émotionnelle aux femmes, on ne peut pas leur demander la lune. La méfiance qu’elles ressentent entre elles n’est pas anodine. Elles développent simplement des stratégies de survie.
Demander à des femmes, blessées, méfiantes, conditionnées à douter des autres femmes, d’être instinctivement solidaires entre elles… c’est méconnaître l’ampleur du travail de réparation nécessaire.
La sororité n’est pas un réflexe. C’est un choix lucide, douloureux, courageux. La vraie sororité, ne peut commencer qu’avec la conscience. Elle ne peut émerger qu’en comprenant ce que le patriarcat a fait à nos liens, à notre confiance, à notre capacité d’aimer une autre femme sans avoir peur d’être trahie ou remplacée. Elle ne peut naître que dans un espace où l’on cesse de culpabiliser les femmes pour les blessures qu’elles n’ont pas choisies.
C’est seulement dans cette lucidité douloureuse, dans cette parole honnête sur nos insécurités et nos défenses, que la sororité devient possible. Pas comme un mirage. Mais comme une construction lente et consciente.
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“…une construction lente et consciente” c’est la même l’essence de la déconstruction à mon avis. Merci pour cet article très analytique et perçant.
Apprendre à se connaître en tant que femme, puis s’aimer profondément nous permet de nous libérer des jougs du patriarcat. Nous devenons enfin illuminées et lumineuses afin de pouvoir tirer, tenir voire guider nos sœurs pour être définitivement sorores et combattre le patriarcat.
Il a en effet, une longueur d’avance sur nous et on se doit de connaître tous ses rouages afin de le contourner et d’être fortes et solidaires! 💪🏽❤️🩹
Tout à fait Nana !