CHRONIQUES
Destinée: Partie 7
J’avais la tête baissée parce que c’était la première fois que j’entendais ma mère nous parler ainsi. Même à notre tendre enfance, nous ne nous sommes pas battus de de la sorte. J’avais très honte. Elle parlait et pleurait en même temps, elle avait commencé à tousser en tremblant puis à se tordre de douleur et elle s’est écroulée par terre devant notre incapacité à la secourir.
Mon cœur battait la chamade, je ne veux pas, je ne veux vraiment pas qu’il arrive quelque chose de grave à ma mère. Je ne le supporterai pas.
– Maman ? Maman ? Restes avec moi, maman ?
Nous étions tous sur elle, elle toussait puis elle a perdu connaissance.
PDV de Fatima
Je venais de finir le dîner et je me suis lavée pour aller rejoindre les filles du village.
Chaque nuit, elles se retrouvent pour se raconter leurs journées et celles qui ont des fiancés profitent pour se prendre là-bas. L’ambiance est si chaleureuse. J’ai hâte d’y être chaque soir pendant les vacances parce que c’est le seul moment où je peux me permettre cette détente. Maintenant plus que jamais j’ai besoin de cela parce qu’à la rentrée, je dois m’en aller d’ici et je veux emporter avec moi des très beaux souvenirs.
– Tu vas où ?
– Je vais rejoindre les filles Anna dis-je avec toute mon innocence.
– Fatima ? Tu sais que je n’aime pas te voir traîner hors de la maison surtout avec les filles là !
– Anna ? Ce sont les filles du village, nous avons pratiquement toutes grandies ensemble alors tu n’as pas d’inquiétude à te faire.
Elle allait dire quelque chose sûrement pour m’empêcher d’y aller quand Dioula, mon petit cousin est venu en courant. Toujours à se taper un marathon ce petit.
– Anna ? Fatima ? Vous ne devinerez jamais qui vient d’arriver !
– Qui ? Cria ma mère !
Il tentait d’avoir une respiration normale mais c’était difficile sûrement à cause de la course contre qu’il s’est infligé. Sacré Dioula! pensais-je en riant devant ma mère impatiente de l’entendre.
– Hum ! J’espère que vous allez me donner un cadeau parce que c’est une très bonne nouvelle hein.
– Dis-nous au lieu de parler comme ça.
– C’est Issaka, Issaka viens d’arriver.
Mon cœur s’est mis à battre plus fort, j’ai senti un truc se briser en moi. J’avais de l’espoir que ce dernier ne vienne pas et je m’en étais même convaincue mais ce n’est pas le cas. Ma mère s’est levée par réflexe pour danser et je pense elle s’est souvenue qu’elle observait une période de veuvage.
Je ne comprends pas ce qui peut la rendre si heureuse, c’est moi qui suis censée me marier avec ce dernier et non elle. J’aime Issaka, nous avons presque grandi ensemble. Je ne l’ai jamais vu comme un potentiel mari mais comme un grand frère, un protecteur.
Elle par-contre ne cachait pas sa joie. Pour tous, avoir un mari et aller vivre en ville est un rêve, la ville est certes un rêve pour moi autant que le mariage mais je me suis toujours vu me marier par amour et surtout après mes études !
La place de toute femme est dans un foyer mais étudier est un vrai épanouissement en soi.
Très tôt le lendemain matin, J’étais déjà au bord du marigot pour prendre de l’eau et toutes les filles me félicitaient comme si j’avais gagné au loto. Je suis contente qu’il soit là c’est vrai mais je redoutais notre rencontre.
– Félicitations Fatima, il paraît que ton mari est là.
– Ce n’est pas mon mari encore…
– Oh c’est la même chose, de toute les façons c’est pour très bientôt et nous savons toutes qu’aucune fille n’a le droit même de le regarder parce qu’il t’appartient.
– C’est vous qui voyez en tout cas mais moi je sais que personne ne m’appartient et je n’appartiens à aucune personne sur terre, je ne suis pas non plus un objet dis-je en riant timidement.
– Ha ! Les études, tu réfléchis et parle comme une citadine.
– Non, je raisonne juste comme une personne.
– Oh ! Bref le mariage est pour très bientôt en tout cas c’est ce qui est dit dans tout le village.
– Bon moi j’ai fini, je rentre.
– D’accord, j’ai encore la lessive à faire moi.
Les filles d’ici sont éduquées d’une manière si spéciale au point où elle ne valorisent point leur personne. Pour elles, l’homme est comme un « dieu » sur terre alors qu’il doit être une moitié. Les gens d’ici ne savent pas ce que le bonheur puisqu’ils pensent qu’il est commun, comme si nous avons les mêmes goûts, les mêmes choix, les mêmes désirs etc.
Partout, dans chaque coins, les gens me regardaient comme la chanceuse, celle qui a réussi alors même que j’allais en ville avec ou sans ce mariage. Certains me félicitaient mieux même que quand j’étais admise à mon examen.
En parlant d’examen, ça sera la seule condition que je vais poser pour accepter cette union même si j’ai peur de la réaction de mes oncles et ma mère.
Je marchais en réfléchissant sans même me rendre compte que j’étais arrivée. Il y’avait là sous la tente de Anna, mes deux oncles et mon cousin, Issaka. Il est encore plus beau que quand il quittait le village.
Son corps est si imposant et il est vraiment bien habillé. Tout cela n’est que folklore pour moi.
La vraie question est est-ce qu’il a changé dans la tête comme je l’espère ? -De sitôt? me suis-je dis dans mon fort intérieur, sûrement à cause de mon inscription et mon installation. J’avais espoir qu’il soit devenu un homme de la ville, du moins positivement.
A suivre…
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