
ÉDITO
Corps en guerre : mon combat contre le lupus
Avant le mot, la douleur
« Le mal-être a duré. Tout mon corps en souffre, jusque dans le moindre petit orteil. Qui pourrait le comprendre ? Même si je leur expliquais, ils ne pourraient le saisir… »
Extrait de mes notes @2017
Je n’ai pas toujours su ce que j’avais. Je savais seulement que quelque chose clochait. Que ce corps, le mien, m’abandonnait souvent. Qu’il devenait lourd, douloureux, imprévisible, et que je n’avais pas le droit de m’arrêter.
J’ai longtemps vécu dans cette zone grise : ni malade “officielle”, ni bien portante. J’étais fonctionnelle, donc invisible.
Avant de mettre un nom sur ce que j’avais, il y a eu le vide, l’errance, l’incompréhension. Mon corps était épuisé, douloureux, instable, mais personne ne semblait m’entendre. Même quand je criais de toutes mes forces pour de vrai, même quand je perdais mes moyens et que j’exprimais ouvertement mes émotions.
On me disait qu’on ne voyait rien. Que j’étais stressée peut-être. Que c’était probablement mystique. Qu’ un génie m’habitait, me possédait.
Oui : Quelque chose me rongeait. Quelque chose vivait en moi comme une présence invisible…
« Tant d’angoisses… de tourments, la peur du demain, de ce qu’il contient…Serait-il clément ? Me laisserait-il vivre ces bonheurs espérés ? Ou m’ôtera-t-il les joies les plus simples… Comme se réveiller chaque matin avec légèreté ? »
Extrait de mes notes @2018
L’annonce : un mot qui bouleverse tout
Quand le mot est tombé : Lupus Érythémateux Systémique , un nom long, violent, étrange. Un mot que je n’avais pas invité. Mais qui expliquait tout.
La fatigue écrasante, les douleurs erratiques, les nuits sans sommeil, les idées noires, les crises, soudaines, envahissantes. Le sentiment d’avoir 80 ans dans un corps de jeune femme.
J’ai ressenti autant de soulagement que de peur. Enfin un mot, une explication. Mais aussi un poids, une sentence, un combat sans fin. Parce que vivre avec une maladie chronique, c’est recomposer toute sa vie autour d’une douleur qu’on ne contrôle pas.
Le lupus est une maladie auto-immune. Mon propre système immunitaire attaque mes cellules, mes organes, mes articulations, ma peau, mes nerfs, mes reins parfois, etc.
Je me bats contre mes propres cellules. Je me bats contre mon propre corps.
La guerre invisible du quotidien
« Les muscles qui se tordent. Les articulations qui craquent. Les nerfs qui piquent. Des crampes, des brûlures, des fièvres, des maux de têtes, des douleurs gastriques terribles, de l’anxiété… Le corps et l’esprit deviennent un champ de bataille… »
Extrait de mes notes @2024
Le lupus est une guerre qui ne dit pas son nom. Il te prend au hasard. Un rhume peut déclencher une tempête. Un stress peut brûler ton énergie. Un effort peut déclencher une crise terrible. Ton propre système immunitaire devient ton agresseur. Et parfois, tu as envie de tout lâcher. Chaque jour, je me réveille dans un corps que je ne reconnais plus. Un corps qui trahit, qui hurle, qui exige que je reste forte alors qu’il me ronge.
« Pendant ce temps, l’esprit se brouille. Les idées noires prennent le dessus. Et si j’en finissais ? Et si je prenais toute la plaquette ? Mais heureusement, un éclat de lucidité résiste : Non. Tiens bon. Ça va passer. Alors je m’allonges, je pleures parfois, J’écoutes un son doux. J’essaies de détourner l’esprit. Et j’attends que la crise passe. »
Extrait de mes notes @2024
Je vis avec cette peur constante de la prochaine crise, cet épuisement qui ne passe pas, ces symptômes qui changent de visage chaque jour. Et malgré tout, je me lève. Je travaille, je souris, je vis.
Avoir une maladie invisible, c’est se battre contre l’injustice biologique, mais aussi contre l’indifférence sociale. Tu te lèves, tu te laves, tu souris. Tu fais tes activités quotidiennes avec en fond des douleurs quasi permanentes. Pourtant on pense que tu vas bien. Ils ne savent pas que parfois, pour nous, juste exister demande plus de courage que tout. Et dans ce décalage entre ce que je vis et ce que l’on perçoit, je me suis souvent sentie incomprise, parfois même jugée et abandonnée. Mais surtout terriblement seule…
Le poids de l’invisibilité
« Je n’ai pas besoin d’avoir l’air malade pour l’être. Je n’ai pas besoin de me justifier. Mon corps parle, même si vous ne l’entendez pas. Et ma douleur est réelle, même si elle ne se voit pas. »
Extrait de mes notes @2025
Le lupus est invisible. Il ne laisse pas toujours de marques à l’extérieur. Alors on me dit que j’ai bonne mine, que j’ai l’air vraiment en forme. Mais j’ai envie de répondre: les apparences sont trompeuses. Si seulement vous saviez !
Ils ne voient pas le prix à payer pour chaque geste, chaque décision. Je fais deux fois plus d’efforts pour faire la moitié de ce que les autres font naturellement. Je serre les dents. Je suis fonctionnelle, donc incompréhensible. Et je le comprends tout à fait, comme disent les zarma : « La plaie de quelqu’un est juste rouge, elle ne fait pas mal. » Alors, leur incompréhension est normale, il faut le vivre pour le comprendre.
L’errance et les tâtonnements
Avant le diagnostic, il y a eu les mauvaises pistes. Les médecins qui m’ont renvoyée sans réponses. Et les pires : les faux guérisseurs.
Il y a eu les escrocs qui m’ont juré sur tous les saints qu’ils peuvent me soigner. Des faux marabouts et guérisseurs. J’ai erré plusieurs années avant de découvrir ce que j’avais. Je l’avoue, j’y ai cru un moment, plus par désespoir qu’autres choses. Mais je le sentais que c’était illogique, je n’avais aucune maladie mystique. Et aujourd’hui je le sais, j’avais raison, c’est un lupus érythémateux systémique. Une maladie auto-immune.
Aujourd’hui encore, d’autres me disent: c’est le « mauvais œil » etc. Non, je ne suis pas “ensorcelée”. J’ai besoin d’écoute, de soin, de traitement, de reconnaissance.
Résister au traitement : quand le remède devient une autre épreuve
On parle du lupus, mais moins du traitement, surtout de la violence silencieuse qu’il exerce parfois sur nos corps. Je ne compte plus les fois où j’ai arrêté ou que j’ai voulu arrêter mes médicaments sans en parler à mon médecin. Pas par négligence. Mais parce que j’en avais marre.
Marre des effets secondaires qui s’empilent :
• La rétention d’eau qui déforme mon visage, gonfle mon visage, mon corps, brouille mon reflet dans le miroir,
• Les acnés inflammatoires qui explosent ma peau, défigure mon visage, alors que je me bats déjà contre la fatigue,
• Les troubles visuels qui me font douter, m’angoissent et m’inquiètent,
• Et cette lourdeur chronique dans le corps et l’âme, provoquée parfois plus par les comprimés que par la maladie elle-même.
« Parfois, j’ai envie de croire que je n’ai pas cette maladie, juste pour ne pas subir ce traitement…Pour échapper à ces comprimés qui me soignent en me blessant. »
Extrait de mes notes @2023
Je sais qu’il faut que je le prenne. Mais je suis humaine. Et il y a des jours où je ne peux plus.
Parlons aussi de la solitude face au comprimé quotidien, de la culpabilité quand on arrête, même quelques jours. Du dégoût qu’on finit par ressentir pour ces boîtes alignées sur la table de nuit.
Cela peut être vu comme de l’irresponsabilité, mais ceux qui vivent avec une maladie chronique savent de quoi je parle, c’est juste une fatigue profonde. Et souvent, je reprends le traitement. Mais je le fais en me donnant le droit de détester cette réalité.
Ce que le lupus a détruit… et révélé chez moi
Le lupus m’a volé des choses simples : la légèreté, la spontanéité, la possibilité de planifier sans crainte.
Mais il m’a aussi obligée à m’écouter vraiment.
J’ai appris à :
• dire non sans me justifier,
• écouter mon corps même quand le monde me pousse à le nier,
• poser des limites, même si ça me coûte des amitiés.
Il m’a forcée à ralentir, à m’aimer autrement, à accepter ma fragilité et surtout à arrêter de me sacrifier pour des gens qui ne me comprennent pas.
« Je suis différente… Oui je suis différente ! Ils ne pourraient jamais deviner ma force même s’ils essayaient. Tous les jours, je mène une bataille contre cette fragilité absolue dans mon corps. Ce n’est pas évident. Ça ne l’a jamais été. Mais ils ne savent pas. »
Extrait de mes notes @2017
Une vie sous traitement, un chemin vers la paix
Aujourd’hui, je me suis résolue à reprendre le traitement, tous les jours. Pas parce que je me résigne. Mais parce que j’ai compris que le courage, ce n’est pas nier la maladie. C’est vivre avec.
Oui, peut-être que dans quelques semaines je vais encore abandonner, ça fait partie du parcours de combattante. Mais comme c’est déjà arrivé par le passé , je me pardonnerai encore une fois et je reprendrais.
En attendant, aujourd’hui j’essaye de soigner mon corps, de m’entourer d’ondes positives, de m’offrir du repos et d’exprimer mes émotions sans culpabilité et sans m’excuser.
J’essaye de survivre…difficilement certes, mais nécessairement.
Un message pour les autres – et pour moi-même
À toi qui vis une douleur qu’on ne voit pas :
Tu n’es pas seul·e.
À ceux et celles qui jugent sans savoir :
Ouvrez les yeux et les oreilles. Écoutez vraiment.
À ceux et celles qui ont traversé cette maladie et qui sont partis avant moi :
Reposez en paix. Vous ne serez jamais oubliés.
Et à moi-même, cette femme profondément épuisée mais digne :
Tu es debout, Mina. Et c’est une victoire incommensurable contre le « Loup ».

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Je n’aurai pas assez de mot pour te dire comme ta dignité dans ta réalité inspire.
« Profondément épuisée mais digne », tu l’as réellement remporté face au Loup.
Ta conscience de toi, l’espace que tu accordes à ta vulnérabilité autant que tu t’efforces de vivre malgré tout, sont une leçon de vie.
Je suis convaincue que tu trouveras de plus en plus de légèreté parce que tu es sincèrement plus brave et forte que le Loup.
Merci infiniment pour ton commentaire et tes mots HASSANA. ❤️❤️🥰